Run for your life | Zelant

Cela faisait quelque temps que les paroles de Grant tournaient dans la tête de la fée. Elle continuait de se demander si elle avait pris la bonne décision en rejoignant la branche de la Compagnie dirigée par le Conseil. C’était un choix pertinent à l’époque, mais pourtant, ça tournait sans cesse, encore plus ces derniers temps où la blonde se retrouvait à tourner en rond dans son bureau. Elle se demandait pourquoi rien ne se passait alors que, clairement, ça bougeait de l’autre côté… Pourquoi le conseil n’agissait-il pas ? Pourquoi personne n’enquêtait ? Pourquoi les réunions ressemblaient-elles plus à des business plan ? Ça agaçait fortement Zelina qui voulait s’engager là-dedans pour éviter une nouvelle guerre, se disant que peut-être qu’agir avant éviterait de nouveaux affrontements. Grant devait avoir raison et Zelina s’en mordait les doigts aujourd’hui, mais sa fierté l’empêchait de le retrouver pour lui dire qu’il avait eu raison. Une fierté mal placée qu’elle avait acquis avec l’âge, malheureusement, ou bien était-ce juste parce qu’il s’agissait de Grant ? Zelina fronçait les sourcils, s'affalant sur sa chaise. Elle avait envie de faire quelque chose, mais quoi ? Elle se souvenait d’un homme qui avait parlé d’un entrepôt où il se passait des choses louches, il en avait parlé pendant la réunion et on lui avait répondu qu’ils allaient réfléchir et leur donner des instructions, mais voilà une semaine qui s’était écoulée et rien n’avait été fait. Elle se levait alors, déterminée et se dirigeait vers une armoire qu’elle avait fait installer à son arrivée dans les locaux. Elle y avait mis des vêtements qu’elle utilisait parfois lorsqu’un événement non prévu se présentait. Elle enfilait un pantalon noir et le hoodiele plus foncé qu’elle trouvait dans sa garde robe, il faudrait qu’elle pense à remettre un pull noir, mais pour le moment, le kaki ferait très bien l’affaire. Elle enfilait des godillots et quittait la Tour Eclipse. Il était vingt-deux heures. La fée attachait ses cheveux en une queue de cheval et remontait la capuche sur sa tête, elle avait encore un peu de temps devant elle avant d’arriver à l’entrepôt, elle pouvait donc patienter avant d’utiliser son pouvoir pour modifier son visage et être incognito.

Après une trentaines de minutes en transports en communs, elle arrivait non loin de l’entrepôt et se concentrait alors pour changer la couleur de ses cheveux et modifier légèrement son visage, ne voulant pas trop se fatiguer afin de mener à bien son investigation. Elle réussissait à trouver un moyen d’entrer et se faufiler sans faire de bruit. La fée trouvait une grille d'aération qui donnait sur la pièce voisine et d’où elle pouvait écouter la conversation. Il ne se passait rien de bien intéressant, mais Zelina ne bougeait pas. Une porte s’ouvrait et un éclat de voix se faisait entendre. Elle fronçait les sourcils, concentrée. Ils s'insultaient plus qu’ils ne discutaient. Un coup retentissait, un second puis un troisième et la fée s’était levée, prête à prendre la fuite quand la porte de la pièce où elle se trouvait s’était ouverte. L’homme qui était entré était, visiblement, blessé, mais surtout armé. Il la mettait en joug et tirait. La blonde avait esquissé un pas de côté, ce qui avait sauvé son bras. Elle prenait donc ses jambes à son cou. L’homme continuait de tirer et elle sentait la brûlure d’une balle la toucher à la cuisse. Un cri s’échappait de ses lèvres, mais elle continuait de courir, il s’agissait de sauver sa vie à présent.

Quittant l’entrepôt, la blonde reprenait son apparence, impossible pour elle de concentrer ses forces dans la fuite en ayant à maintenir la métamorphose de son visage et de ses cheveux. Elle ne s’arrêtait qu’au bout d’une vingtaine de minutes à courir, sa cuisse la lançant terriblement, elle s’arrêtait dans une ruelle et se laissait tomber, le souffle court. Pourquoi avait-elle décidé de faire cela, c’était complétement stupide de sa part et en plus, cela n’avait servit à rien ! Elle regardait sa cuisse, la balle l’avait effleuré, mais cela avait déchiré ses chairs et elle saignait.

La tension est palpable, les regards échangés remplis d’une impatience qu’il connaît bien à force de la remarquer dans les yeux de ses hommes à la moindre descente. Les discussions sont à peine perceptibles de l’autre côté de la porte qu’ils surveillent, qu’ils encadrent, et la fièvre qui les saisit se ressent dans l’air sans la moindre difficulté. Pas un mot, pas un souffle ne se laisse entendre : ils ne peuvent pas prendre le risque de louper le coche. Depuis qu’ils ont eu l’information quant à la réunion prévue ce soir-là, sa brigade met tout en œuvre pour s’assurer qu’ils chopperont les salopards présents dans l'entrepôt, et il est hors de question que l’opération foire parce qu’ils ont agi avec précipitation ou parce qu’ils étaient trop occupés à bavasser pour faire leur job correctement.

Le doigt à côté de la gâchette, Grant jette un nouveau coup d'œil à la montre à son poignet. Ils vont bientôt agir. Encore quelques instants, et --
Et un mot plus haut que l’autre se fait entendre. Un coup de feu part. Ça s’active à l’intérieur, ça se bouscule. La poignée de la porte à côté d’eux s’agite et ils réalisent tous qu’ils doivent agir maintenant, même si la situation est loin d’être optimale. Ils connaissent les ordres, il les a suffisamment briefés avant d’arriver. Désormais, il ne peut que leur faire confiance, aboyant à peine quelques manœuvres au milieu du boucan, les hommes dans le bâtiment réagissant dans la panique, les armes crachant à tour de rôle des balles qui viennent se ficher dans les murs, dans les étagères, dans les protections et dans les membres. Ce sont des bruits de pas martelant le sol, du mouvement dans sa vision périphérique, qui attirent l’attention du lieutenant, l’un des membres de sa brigade neutralisant l’homme qui tire à nouveau dans l’encadrement de la porte sur le côté, atteignant une silhouette féminine s’échappe de l’entrepôt par l’une des sorties sans demander son reste, cri noyé dans le vacarme nocturne. Juron franchissant les lèvres, le lieutenant se lance à la poursuite de l’ombre, arme au poing.

La traque dure longtemps, trop longtemps. Sur le trajet, il est prévenu de la fin de la fusillade, son équipe ayant réussi à arrêter la totalité des hommes présents sur place avec un minimum de dégâts, ses ordres balancés au travers de la radio en attendant qu’il puisse revenir pour s’occuper de tout ça lui-même. Il doit tirer les choses au clair, ne laisser aucune place au doute et ne laisser personne s'enfuir et si, pour ça, il doit suivre une inconnue à travers Magix, alors il le fera, même si l’heure s’approche de minuit. Arme levée, lampe torche allumée, il suit les maigres traces de sang - pas inhabituelles pour l’endroit, mais définitivement fraîches -, ralentissant le pas alors que des gémissements lui parviennent. Lentement, très lentement, il finit par entrer dans la ruelle d’où proviennent les bruits, le faisceau de lumière aveuglant sa cible alors qu’il la met en joue. « Je vous conseille de pas bouger. » Les mots sont grognés dans un automatisme alors que ses yeux parcourent le visage de la femme avachie, les traits se durcissant quand il range brusquement sa lampe et son arme à feu, se précipitant aux côtés d’une Fée qu’il ne connaît que trop bien. « Putain de merde, Zelina ! Qu’est-ce que tu fous là ?! » C’est elle qu’il a suivie à travers le quartier Sud ? C’est elle qui s’est enfuie de cet entrepôt de malheur ? « Qu’est-ce que tu branlais là-bas ?! » Il cherche du regard, déplaçant le bras devant lui avec précipitation alors qu’il essaye de trouver sa blessure, ses yeux se posant finalement sur le pantalon à la jambe déchirée au niveau de la cuisse, un bruit d’agacement franchissant le mur de ses dents serrées. « T’as été touchée ailleurs ? » L’inquiétude et l’empressement se lacent à sa voix alors qu’il la manipule encore, pour s’assurer qu’elle n’a pas été plus blessée que ça.

La blonde n’avait pas réfléchi, n’avait pas bien préparé son coups. Elle était venue non armée, sans que personne ne sache où elle se trouvait et sans renforts, pour le coup. Elle s’était retrouvée seule à devoir dévaler les rues pour essayer de trouver un endroit où se cacher le temps de reprendre son souffle avant de pouvoir se rendre à l'hôpital ou d'appeler quelqu’un… Son téléphone dans une main, elle hésitait entre appeler Azarias ou Grant. L’un serait en panique, l’autre furieux…

- Je vous conseille de pas bouger. » Elle avait retenu son souffle quand elle avait entendu les pas dans la ruelle et qu’elle avait vu la lumière se rapprocher dangereusement. La peur. Peur de mourir dans ces conditions. Peur de ne plus jamais revoir Azarias ou Grant. Elle s’était maudite de ne pas s’être préparée plus. Et puis elle avait reconnu la voix de Grant et elle n’avait jamais été aussi soulagée de sa vie qu’en cet instant. Soulagée et paniquée en même temps quand elle prenait la mesure de la situation. Il allait la tuer lui-même de s’être mise en danger. « Putain de merde, Zelina ! Qu’est-ce que tu fous là ?! » Elle se sentait comme une enfant que l’on grondait, prise sur le fait, cela ne servait à rien de mentir. « Qu’est-ce que tu branlais là-bas ?! » Zelina n’avait même pas le temps de répondre qu’il se mettait à la manipuler pour chercher la ou les blessures éventuelles. Posant ses yeux sur sa cuisse, la blonde avait un petit mouvement de recul involontaire. « T’as été touchée ailleurs ? »

- Non Grant ! » Lâchait-elle alors, peut-être un poil trop sec au vu de la situation. « Ça va, je n’ai rien d'autre… » Elle déglutit, sachant que ce n’était pas la peine de lui mentir, elle baissait le regard, honteuse. « Je pensais bien faire… On a eu une info sur une réunion des membres de l’armée des ombres et personne ne voulait bouger, le conseil ne prenant pas de décisions, j’ai décidé de tenter ma chance. » La blessure de sa jambe lui faisait mal et elle retenait son souffle un instant le temps que la douleur vive passe. « C’était une erreur, je le sais… » Disait-elle en osant croiser le regard de Grant. Elle posait sa main sur le bras du spécialiste, s'agrippant plus qu’autre chose finalement. « Il y a plus de peur que de mal, vraiment Grant. » Reprenait la blonde en tentant de le rassurer. La blessure était superficielle, mais son coeur battait à tout rompre. Elle avait craint pour sa vie dans l’entrepôt et dans cette ruelle. Zelina s’était connue plus téméraire… Elle réussit à calmer son rythme cardiaque, un peu, l’adrénaline mettrait du temps à redescendre. « J’ai entendu le ton monter et je me suis enfuis, je voulais pas les affronter, juste récolter quelques informations qui pourraient être utiles… » Zelina se pinçait les lèvres tandis qu’un élan de douleur la reprenait. C’était par accoups, des sortes de décharges électriques plus ou moins douloureuses.

Elle lui assure que non, elle n’a pas été blessée davantage. Elle le lui crache presque et il sait, il sait qu’elle dit vrai, mais il ne peut s’empêcher de vérifier. « Ça va, je n’ai rien d'autre… » Les mâchoires tendues, les dents serrées, il finit par la lâcher, accroupi à côté de celle qui évite son regard. « Je pensais bien faire… » Il en a, un tas de choses à dire, mais elle continue sans lui laisser le temps d’en placer une. Ça pourrait être pour le mieux, mais ce qu’elle a comme information est loin de lui plaire, son agacement évident dans le grondement qui passe ses lèvres. « Il y a plus de peur que de mal, vraiment Grant. » Le lieutenant pose ses yeux sur la main qui entre en contact avec lui, ses doigts encore tremblants, et il ne fait plus un geste dans sa direction, pas alors qu’il est si tendu qu’il a l’impression qu’il va rompre à chaque seconde qui passe. « J’ai entendu le ton monter et je me suis enfuis, je voulais pas les affronter, juste récolter quelques informations qui pourraient être utiles… » « Encore heureux ! Manquerait plus que tu te sois mis en tête de te battre, tiens ! » La douleur déforme les traits de la Fée et l’homme se lève brusquement, faisant quelques pas vers l’entrée de la ruelle. « C’est pas vrai… » Doigts passés sur son visage, ils s’attardent sur sa joue alors qu’il jure en silence. « Tenter ta chance, hein ? » La tempête gronde, et il profite de cet instant où il sait avoir la maîtrise de lui, de sa colère, pour prévenir par radio qu’il ne s’agit que d’une civile blessée, qu’il s’en occupe. Ils doivent avoir la paix. Ils doivent être seuls. Seuls, il n’est pas certain qu’ils le resteront si ses éclats de voix parviennent aux habitants du pâté de maison mais, quand il soupire pour tenter de mettre de l’ordre dans ses mots, il doute de sa capacité à garder son sang froid, après la descente, le début de fusillade à laquelle il a assisté, la poursuite et puis, enfin, le fait qu’il s’agisse d’elle.

« La prochaine fois que tu veux bien faire et qu’il te vient ce genre de plan, sois gentille et reste chez toi. » Grant est froid, il le sait, la dominant de toute sa hauteur alors qu’elle est encore par terre, sa jambe meurtrie. « Sans même parler du bordel que tu aurais pu foutre dans toute cette histoire, est-ce que tu réalises ce qui aurait pu arriver ? On parle pas d’un connard tout seul, là, Zelina. T’as prévenu quelqu’un, au moins ? Ou ton frère aurait eu la chance d’apprendre pour ton cadavre et comment c’est arrivé une fois celui-ci retrouvé ? » Elle est en vie. Elle est en vie. Mais elle aurait pu ne pas l’être, et il n’aurait pas fallu grand-chose pour en arriver là, il ne le sait que trop bien. Il fait presque les cent pas, presque, s’arrêtant de nouveau devant elle. « Je vais même pas te demander pour les armes, je connais déjà la réponse, mais est-ce que tu as au moins la moindre putain de protection sur toi ? Ou tu es partie sur un coup de tête sans la moindre préparation ? Bordel, Zelina, je pensais pas t’avoir si mal formée que ça. » Enfin, il se remet à sa hauteur, s’attardant de nouveau sur sa plaie, trop brusque dans ses gestes pour s’occuper d’une blessée convenablement, trop inquiet et trop irrité pour prendre le temps d’être plus délicat. « Ça va faire un foutu mal de chien dans les jours à venir, ça. » Difficile pour lui de dire, dans la situation actuelle, si quelques points de suture peuvent être utiles, mais la blessure ne semble pas grave, et c'est tout ce qui importe.

Il est tendu, elle le sait, elle le sent. Tout ses muscles sont bandés à cause de la tension qu’elle a causé. Il est inquiet et en colère. Zelina s’en veut, énormément. Elle aimerait pouvoir lui dire autre chose, mais elle sait que mentir ne servirait à rien, alors elle avoue le pourquoi du comment. Elle avoue qu’elle a été stupide a haute voix, essayant de faire redescendre la tension qui anime Grant en cet instant.

- Encore heureux ! Manquerait plus que tu te sois mis en tête de te battre, tiens ! » Elle aurait pu, c’était une possibilité à laquelle elle avait pensé, bien qu’elle était partie dans l’idée de récolter des informations avant tout, vérifier que la source était bonne avant d’agir, avant de trouver des gens qui seraient en mesure de l’aider, comme Grant… Debout, faisant les cents pas, le spécialiste se passe les mains sur le visage. « C’est pas vrai… Tenter ta chance, hein ? » Elle ne dit rien, attends. Il s’occupe de prévenir ses collègues, expliquant qu’il ne s’agissait que d’une civile blessée et qu’il s’en occupait. Reconnaissante, une fois de plus de garder la discrétion. Elle savait qu’il devrait faire un rapport, surtout si elle était blessée, elle se demandait simplement comment il allait tourner ça… « La prochaine fois que tu veux bien faire et qu’il te vient ce genre de plan, sois gentille et reste chez toi. » Toujours debout face à elle, il la réprimande et Zelina sent la colère monter malgré elle. Se faire gronder comme une enfant, elle a horreur de cela. « Sans même parler du bordel que tu aurais pu foutre dans toute cette histoire, est-ce que tu réalises ce qui aurait pu arriver ? On parle pas d’un connard tout seul, là, Zelina. T’as prévenu quelqu’un, au moins ? Ou ton frère aurait eu la chance d’apprendre pour ton cadavre et comment c’est arrivé une fois celui-ci retrouvé ? » Son frère… Elle n’y avait pas pensé… La fée fait non de la tête, elle n’a prévenu personne. Elle se tait, elle se tait parce qu’elle sait que si elle l’ouvre, si elle explose à son tour, ce sera pire. Elle a tort dans l’histoire… « Je vais même pas te demander pour les armes, je connais déjà la réponse, mais est-ce que tu as au moins la moindre putain de protection sur toi ? Ou tu es partie sur un coup de tête sans la moindre préparation ? Bordel, Zelina, je pensais pas t’avoir si mal formée que ça. » Elle serre les dents, les sourcils froncés tandis qu’il se met à sa hauteur. Ses yeux reviennent sur sa blessure, ses mains également, elle esquisse un mouvement lorsque la blessure lui fait mal à nouveau. « Ça va faire un foutu mal de chien dans les jours à venir, ça. » Zelina inspire longuement avant de relâcher la pression, elle se calme, comme elle a toujours su faire lorsqu’il s’agissait d’affronter le monde entier alors qu’elle était mariée à un Prince Lynphinois et qu’elle était ambassadrice. Ses yeux cherchent le regard de Grant avant de l’accrocher et de venir poser ses mains sur ses joues. Les paumes contre l’arrête de sa mâchoire, les pouces en appuis sur l’arrête de ses joues, les auriculaires derrière ses oreilles. Elle tient son visage pour qu’il ne lâche pas son regard.

- Je vais bien Grant… » Sa voix est douce et ce n’est pas totalement un mensonge puisqu’à part cette blessure, elle va bien. « Je vais bien. » Reprend-elle, plus doucement encore. « J’ai été stupide, oui. Mal préparée, oui. J’aurais dû demander à quelqu’un de venir avec moi, oui. » Elle énumère chacuns des points. « Cela aurait pû être plus grave, oui. » Ses pouces caressent machinalement la peau de Grant. « Mais ça ne l’est pas… » Elle s’approche de lui, elle a mal quand elle bouge, mais elle prend sur elle et se rapproche pour l’enlacer de ses bras. La blonde vient déposer un baiser dans son cou. « Je vais bien et je suis désolée, terriblement désolée d’avoir été aussi insouciante. Le but n’était pas de t’inquiéter ou d’inquiéter qui que ce soit. » La fée ne lâche pas son étreinte. « Je voulais glaner des infos et revenir avec des renforts, essayer de faire bouger le conseil, parce que force est de constater que tu avais raison… » Elle se recule enfin, mais ne le lâche pas pour autant, ses mains venant agripper ses avants-bras. « Le Haut-Conseil ne fait rien, la compagnie à leurs côtés est vouée à l’échec… » Zelina avait voulu croire en cette nouvelle compagnie, c’est pour ça qu’elle les avait rejoint, mais aujourd’hui, elle constate que ça ne bougera pas, qu’ils ne mettent rien en place, qu’ils ne font que discuter et discuter ne sert à rien…

Les mains sur son visage le poussent à poser son regard dans celui de la Fée, la tempête toujours évidente dans son iris. Elle lui dit qu’elle va bien, elle le lui répète, chacun de ses mots dit avec plus de douceur que le précédent comme pour calmer l’animal qui s’agace dans cette ruelle, à deux doigts d’exploser face à la situation. Elle assume chacune de ses erreurs et il est partagé entre l’énervement - parce qu’elle sait, parce qu’elle savait que toute cette idée était des plus idiotes - et le soulagement que, comme elle le fait remarquer et comme il a pu le constater lui-même, ce n’est pas plus grave que ça aurait pu l’être. Elle se rapproche de lui, passe ses bras dans son dos et, par réflexe, il vient déposer une main dans le sien, pour s’assurer qu’elle ne tombe pas, ou peut-être pour s’assurer qu’il sent bien sa chaleur sous sa paume, pour s’assurer que la femme qui lui parle et qui lui répond est toujours en vie. Puis vient le baiser qui lui arrache un froncement de sourcil, qui lui penche doucement la tête d’incompréhension, qu’il met sur le compte de l’adrénaline qui retombe et de la perte de sang. Le geste lui semble si déplacé qu’il ne cherche même pas à l’analyser, à l’aborder, la laissant reprendre contre son épaule. « Je vais bien et je suis désolée, terriblement désolée d’avoir été aussi insouciante. Le but n’était pas de t’inquiéter ou d’inquiéter qui que ce soit. » « C’est sacrément foiré… » Si la colère se sent encore dans ses mots, elle est bien moins prononcée, bien plus discrète, presque anecdotique dans l'échange alors que l’envie de lui faire passer ce genre d’initiative lui brûle la langue. Il aura probablement bien d’autres occasions de lui remonter les bretelles, une fois qu’elle sera en sécurité, une fois qu’elle sera soignée, une fois qu’il pourra parler avec sa tête et non avec ses tripes, même si les deux semblent raccord ce soir.

Elle s’éloigne doucement, toujours accrochée à lui mais laissant l’air tiède de la nuit se faufiler entre eux et, s’il serait bien du genre à lui dire que bien sûr qu’il a raison avant même de savoir de quoi elle parle, il la laisse enchaîner sans l’interrompre, le sujet visiblement sensible. « Le Haut-Conseil ne fait rien, la compagnie à leurs côtés est vouée à l’échec… » Il a pu le constater ces derniers temps, les restes décorés de la Compagnie brillant par son inactivité, source de discussions animées dans leurs rangs comme dans les rues. Il pourrait bien lui répondre qu’il lui avait dit, qu’il l’avait vu venir, mais quelque part, il doute que ce soit vraiment le moment pour ça. Il y a de la douleur, de la peine dans sa voix quand elle aborde la situation, la Lynphinoise désabusée, et il se voit mal remuer le couteau dans la plaie alors que celle de sa jambe saigne encore. Alors quoi ? Il est désolé d’apprendre ça ? Pas vraiment, ça n’a rien d’une surprise et ça ne fait que confirmer ses principales suspicions. Il est désolé que ça se soit passé comme ça ? Peut-être. Il sait qu’elle cherche à bien faire, qu’elle veut agir, qu’elle veut faire ça proprement et que cette partie-là de la Compagnie, c’était probablement la plus à même de l’accompagner comme elle le souhaitait. Mais parfois, il faut ce genre de désillusion pour ouvrir les yeux. Il faut ce genre d’absence pour réaliser que l’allié ne l’est que dans le nom et non dans l’action. Non, désolé, il ne l’est pas vraiment. Mais Grant ne tire aucune joie de la réalisation de tout ça. Ils auraient pu la laisser rêver un peu plus longtemps…

« Ta prochaine balade… Préviens-moi avant, tu veux ? Et va falloir que je t’explique deux-trois trucs pour ce genre de missions, parce que là, y a tellement de problèmes dans ta sortie de ce soir que je saurais même pas par quoi commencer… » Il doute qu’elle courbe l’échine, qu’elle laisse tomber. Pas si elle a le même feu entre les côtes que celui qui l’animait quand elle était plus jeune. Et si elle continue, alors… Autant être sûr qu’elle fait ça bien, qu’elle limite les risques. « Tu peux marcher ? Je connais un endroit où ils devraient pouvoir s’occuper de ta jambe, pas très loin d’ici… » Si c’est ouvert. Il sait que son muscle a probablement déjà commencé à refroidir et que l’adrénaline est suffisamment retombée pour que ça limite ses mouvements, alors il préfère s’assurer qu’elle ne forcera pas inutilement. Sinon… Et bien, sinon, il s’arrangera pour l’y emmener. « Tenter ta chance… J’te jure… Sors-moi ça encore une fois, et c’est moi qui te tire dessus, pigé ? » La pointe d’humour déplacée se fraye un chemin, accompagnant un soupir qui cherche à évacuer un peu la tension dans son torse. Ça ne l’empêche pas de râler, mais il a au moins le mérite d’essayer.

Zelina, blessée, tente de calmer le jeu avec Grant. Elle pose ses mains sur son visage pour essayer d’accrocher son regard et elle y parvient. Elle lui dit qu’elle va bien, elle le lui répète avec douceur pour que l’information fasse sa place dans le cerveau tempétueux du brun. Comme avec Aza, elle se rapproche de lui pour l’enlacer et mû par on ne sait quoi, elle vient déposer un baiser dans son cou avant de continuer ses excuses et ses explications.  

- C’est sacrément foiré… » Oui. Elle le sait et se mord la lèvre d’agacement. Elle sent, pourtant, une pointe d’apaisement dans la voix de Grant. Elle se demande pourquoi la situation à virer aussi rapidement. La blonde lâche le cou du brun, mais garde les mains sur ses avants-bras. Elle lui parle du Haut-Conseil, de la compagnie, ne cachant pas sa déception. Il le lui avait dit, mais elle avait voulu y croire… Zelina avait voulu croire que le haut-conseil apporterait un soutien sans faille et une possibilité de mouvement, mais non… Ils ne bougeaient pas, attendant presque qu’il y ait plus de mort et même comme cela, ils ne semblaient pas vouloir faire bouger les choses. « Ta prochaine balade… Préviens-moi avant, tu veux ? Et va falloir que je t’explique deux-trois trucs pour ce genre de missions, parce que là, y a tellement de problèmes dans ta sortie de ce soir que je saurais même pas par quoi commencer… » Elle hoche doucement la tête, honteuse. Elle a clairement perdu la main. « Tu peux marcher ? Je connais un endroit où ils devraient pouvoir s’occuper de ta jambe, pas très loin d’ici… » Elle ne sait pas, la blonde, si elle peut marcher. Elle sait que la blessure lui fait mal, que la douleur est lancinante, mais elle n’ose pas bouger sa jambe de peur que ça lui arrache un cri. Pourtant, il va bien falloir qu’elle se lève. Elle prend appui contre le mur derrière elle pour se hisser. La fée n’a jamais pris autant sur elle pour ne pas hurler. Ses lèvres sont pincées, ses dents serrées, tout son visage transpire la douleur qu’elle ressent, mais pas un son ne sort de sa bouche, même pas une petite plainte. Elle se demande où Grant veut l’emmener. « Tenter ta chance… J’te jure… Sors-moi ça encore une fois, et c’est moi qui te tire dessus, pigé ? » Elle a envie de rire, mais se retient. Elle ne sait pas si il le prendrait bien.

- Tu n’oserais pas… » La voix est rauque, certainement parce qu’elle a retenu sa douleur dans le fond de sa gorge quelques instants plus tôt. « Je suis rouillée que veux-tu… » Elle tente un trait d’humour même si c’est très certainement trop tôt, mais il faut bien réussir à calmer les choses. La blonde essaye un pas, elle retient sa respiration, lève la tête vers le ciel en fermant les yeux et relâche lorsque la douleur est moins forte. « Grant… » Sa voix tremble un peu et un silence s’installe quelques secondes. « Je ne sais pas comment j’aurais fait si ça n’avait pas été toi… » Lui avoue-t-elle alors. Même si elle sait qu’elle a fait une erreur, qu’elle n’aurait jamais dû s’y rendre seule et qu’elle aurait pû y rester, elle se rend compte soudainement l’ampleur de son erreur. Elle frissonne, pas parce qu’elle a froid, mais parce que la peur refait surface maintenant que l’adrénaline est descendue. Elle a été stupide. Oui. Elle sert les dents, la blonde, pour ne pas pleurer, pour ne pas rajouter une raison à Grant de la sermonner. C’est dur le retour à la réalité après un moment pareil. Zelina se mord une fois de plus la langue, tente de calmer sa respiration pour tenter de reprendre le contrôle de ses émotions.

Elle se relève comme elle le peut, luttant clairement contre le cri qui remonte sa gorge et qu'elle garde scellé derrière ses dents serrées. Il reste à côté d'elle, prêt à la rattraper si elle chute, lui laissant le temps de souffler un peu avant de reprendre. Quand elle lui répond, sa voix trahit toute la peine éprouvée, toute la fatigue ressentie. « Je suis rouillée que veux-tu... » Et c'est exactement pour ça qu'elle n'aurait jamais dû se lancer toute seule dans cette aventure, mais forcément, il fallait qu'elle se jette dans la gueule du loup en solo, sans prévenir personne avant. L'humour se sent à peine dans ses mots teintés de douleur et le regard qu'il lui rend n'a rien d'amusé. Si lui se le permet, il a bien envie de lui qu'à sa place, il éviterait de rigoler avec tout ça. Pas le temps, elle tente de marcher et lui impose inconsciemment le silence alors qu'il observe la scène avec attention, son pas fébrile mais sa jambe réussissant à la tenir malgré tout.

« Grant... » « Hm ? » Elle ne reprend pas tout de suite, laissant le silence alourdir l'ambiance entre eux, le regard du lieutenant se portant sur l'entrée de la ruelle alors qu'aucun pas ne se fait entendre dans le coin. « Je ne sais pas comment j'aurais fait si ça n'avait pas été toi... » Elle a l'air sur le point de s'effondrer, physiquement, moralement, et la colère a du mal à rester intacte face à son état. « T'aurais été dans une sacrée merde... » Un autre membre de la police que lui lui aurait probablement rendu la vie bien difficile alors même qu'elle a clairement besoin d'aide. L'un des hommes qu'elle surveillait ce soir se serait probablement assuré de son silence. Avec un passant, elle aurait peut-être eu de la chance, mais ça aurait été un sacré pari, surtout dans les environs. « Mais c'est moi. Te pose pas davantage la question. » En tout cas, pas maintenant. Mais s'il est honnête, il remettra probablement tout ça sur la table quand les choses se seront calmées, quand elle sera guérie, quand tout sera retombé. Il s'approche d'elle, lentement, puis la tire à lui, passant un bras dans son dos pour la soutenir. S'il a parfaitement l'intention de l'aider à avancer, le travail que la fée fait sur sa respiration et la peur qu'il implique pousse le Zénithien à la serrer un instant contre lui. « Respire calmement. T'es en sécurité. Ça va aller. » Puis, s'arrangeant pour que la position de marche lui permette d'éviter de mettre trop de poids sur sa jambe, il assure sa prise sur la blonde avant de l'inciter à se mettre en marche. « Vas-y, prend appui sur moi. On va y aller tranquillement, pas besoin de forcer. »

Le trajet peut sembler long jusqu'au centre de soins, leur rythme lent n'aidant pas et le silence les accompagnant pendant la majeure partie du chemin, mais à aucun moment il ne la presse, s'assurant qu'elle limite les mouvements avec sa cuisse blessée. Elle s'en remettra probablement rapidement, la blessure relativement légère par rapport à ce qu'elle aurait pu être, mais mieux vaut ne pas faire travailler un muscle meurtri de cette manière. Par chance, quand ils arrivent, l'un des médecins bénévoles est présent ce soir-là, l'homme aidant Grant à asseoir la Lynphinoise à peine la très lourde porte du bâtiment passée. Une fois l'origine de la blessure très vaguement expliquée, les questions peu nombreuses quand il s'agit de blessure par balle dans le quartier, le bénévole entame les soins en tuant le silence avec des banalités, le lieutenant détournant le regard pour lui laisser le peu d'intimité qu'elle peut bien avoir quand il refuse de la laisser seule.

Elle tente l’humour, mais ça ne marche pas visiblement. Non, Grant n’a pas envie de rire alors qu’il est toujours le premier à plaisanter sur ce genre de choses. Mais quand il s’agit de lui. Soit, elle n’insiste pas. Elle essaie alors de marcher, non sans peine, la douleur se faisant sourde, remontant dans sa gorge, qu’elle essaie d'étouffer. Elle l’appel alors, il répond par un “hm”. Ce genre d’onomatopée dont il a le secret. Le silence s’installe un peu avant qu’elle ne reprenne la parole, lui avouant sans le dire qu’elle était soulagée que ce soit lui.

- T'aurais été dans une sacrée merde... » Lui répond le brun. La blonde baisse les yeux, ne joue pas les malines. Elle a l’impression de se faire gronder, mais en même temps elle sait qu’elle a tort et elle ne répondra pas, ne lui tiendra pas tête. « Mais c'est moi. Te pose pas davantage la question. » Elle déglutit difficilement. C’est lui. Heureusement que c’est lui. La blonde se mord la langue. Il s’approche d’elle et vient la prendre dans ses bras. La blonde passe machinalement les siens autour de son torse pour se serrer contre lui. « Respire calmement. T'es en sécurité. Ça va aller. » Elle se force à faire ce qu’il lui demande. Oui. Elle est en sécurité, là dans ses bras, rien ne peut lui arriver. C’est Grant. Il s’écarte doucement pour l’aider à trouver une position qui puisse lui permettre de marcher. « Vas-y, prend appui sur moi. On va y aller tranquillement, pas besoin de forcer. » Elle s’exécute. Elle lui fait confiance sur leur destination et se laisse guider. Un silence de plomb s’installe entre les deux. Elle essaie de donner le change lorsqu’ils croisent une âme nocturne. Ils finissent par atteindre un centre de soin et elle est rapidement prise en charge. Le médecin ne pose pas trop de questions, ils doivent avoir l’habitude des blessures de ce genre dans le coin, ça lui pince le coeur un instant. Le southern est dans un si mauvais état ? Elle n’en savait rien en arrivant à Magix. Grant ne la lâche qu’une fois qu’elle est assise sur la table de soin. Le médecin l’aide à retirer son pantalon, non sans douleurs. Le regard de la fée se porte sur Grant qui a détourné les yeux. Bien que cela puisse être évident que ce geste soit seulement lié à la pudeur, Zelina ne peut s’empêcher d’imaginer qu’elle l’a déçu. Sa tête se baisse machinalement. Le soignant lui injecte un anesthésiant local tandis qu’il s’occupe de la plaie. Elle serre les dents, gardant le silence. Sa tête se tourne à quelques reprises vers le brun, se demandant à quoi il pense en cet instant. À cause de la douleur et de l’anesthésiant, la blonde perd un peu le contrôle de son pouvoir et la couleur de ses cheveux s’assombrit pour prendre une teinte grisâtre et terne. Elle a le cœur lourd.

- Je vous laisse vous rhabiller. » Elle lève les yeux sur le soignant et acquiesce d’un simple signe de tête. Il s’en va et elle remonte son pantalon déchiré à l’endroit où la balle l’a touchée. Elle le jettera. Elle ne veut pas de souvenirs de cette soirée. Le silence est toujours présent, lourd, pesant. Zelina se risque pourtant.

- Il fallait bien que ça arrive un jour… » Il ne va pas aimer, elle le sait. « Mais si je rejoins la compagnie, ça arrivera encore… » Elle a déjà été blessée auparavant. Ils étaient en guerre, certes, et elle n’était pas seule, certes, mais elle a déjà été blessée en 2005. Si une guerre éclate, elle le sera encore parce qu’il sera hors de question qu’elle reste dans son coin et qu’elle ne s’implique pas. Elle n’a rien à perdre de toute façon. Elle n’a plus de mari, n’aura sûrement jamais d’enfants. Il y a Aza. Et il y a Grant. Mine de rien. Son coeur se serre. La blonde se tient à quelques pas du brun, sa chevelure grisâtre encore bien présente, sa mine fatiguée. « Est-ce que je t’ai déçu ? » Ne peut-elle s’empêcher de demander à demi voix.