delicate weapon ft. teodora & nicholas

Aux problèmes qui s’accumulent comme un long collier de perles. Des perles sans éclats. De fausses perles. Un collier qui n'a que le mérite d'être jeté selon les critères de l'Eraklienne. L’explosion au quartier sud, la montée de l’insécurité et de la criminalité, des potions étranges qui circulent. Micro florilège d'une actualité bien trop occupée. Une liste qui s’allonge au fur et à mesure que le temps passe et dont les solutions ne règlent rien. Encore faut-il trouver ces fameuses solutions. Agacée que les choses traînent, par cette paperasse incessante et une administration chaotique, Luo-Fei décide de rencontrer son collègue Monsieur Fawkes, dans l’espoir d’éveiller son âme militaire. Néanmoins, issu de la Tour Nuage et d’un cursus politique, elle s’attend à une réaction plus politiquement correcte que l'empressement dont peuvent faire preuve certains spécialistes. Sous cette pensée, un soupir passe la barrière de ses lippes, mais elle reste déterminée à remporter cette bataille. Coûte que coûte, elle parviendra à convaincre le Ministre des Armées, qu'il est grand temps d'agir.

Pour cela, elle doit passer la barrière de l’administration. Première étape d'un parcours du combattant qui n'a rien d'excitant. Barrière d'acier troquée contre une barrière humaine, le secrétariat, en l'occurence, Madame Bäumler. Illusion ou non, elle a la sensation d'un comportement de plus en plus étrange et ne serait dire le pourquoi du comment. Leurs échanges bien que cordiaux ont toujours eu une pointe électrique. Peut-être a-t-elle manqué de diplomatie ? Un bonjour oublié, une requête prononcée trop sèchement ? Le genre de détail qu’elle oublie, tant à son sens, il y a des choses plus importantes.

Alors qu’elle monte dans le bâtiment et s’élève à travers les différents étages pour atteindre le niveau souhaité, sa vue se perd sur l’immensité de la ville. Panorama que lui offre les vitrines teintées, monde miniature et fragile, elle espère qu'un jour elle parviendra à construire un semblant de stabilité.

Sa présence s’annonce dans le couloir sous le talon qui calque au sol. Entrée dramatique sous le pas rythmé d’une cadence rigoureuse, donne un avant-goût de sa teinte de spécialiste. Destination atteinte, elle observe longuement la chevelure de feu qui lui fait face. Assise sur son bureau, l’ordinateur cachant la moitié de son visage, l'esprit de la Ministre répète en boucle quelques politesses à prononcer mais... « Je dois voir Mr Fawkes de toute urgence » ...le coche de la politesse raté, elle tente d’esquisser un sourire déjà bien trop tardif. Peut être a-t-elle déjà fait ses preuves dans l’art des mots mais dans l’art du timing, Luo-Fei a du retard.

Les choses avancent et avec elles, son lot de travail. Teodora est enfermée dans son travail comme jamais elle ne l’avait été, ne laissant rien la perturber. Les tensions se sont intensifiées au sein du Haut Conseil et si elle n’est pas particulièrement concernée, elle sent bien trop le poids sur ses épaules. Elle garde néanmoins le cap, remerciant la récente avancée de l’Armée des Ombres qui la pousse un peu plus encore vers l’avant. Ces derniers mois ont été éprouvants, notamment mentalement, pour elle, mais la carapace forgée depuis bien avant qu’on l’envoie sur Oméga a fait le travail escompté. Ils approchent doucement mais sûrement leur but et c’est tout ce qui compte pour elle.

Concentrée sur les dossiers qu’elle a accumulés sur son bureau ces dernières semaines, elle ne fait pas attention aux bruits de talons claquant sur le sol qui s’approchent bien trop vite. Il n’est même pas impossible qu’elle fasse juste semblant, trop habituée à ignorer les arrivées imprévues. Là, elle sait pertinemment qu’aucun rendez-vous n’est prévu cet après-midi. « Je dois voir Mr Fawkes de toute urgence » Teodora ne relève pas la tête, pas tout du moins, laissant ses yeux fixer l’ordinateur encore un instant. Elle reconnaît la voix mais cela ne change absolument pas son comportement. Elle soupire, sans regarder son interlocutrice. « Oui, comme à peu près dix personnes par jour. Vous devriez savoir qu’il ne reçoit personne sans rendez-v… » Les yeux enfin levés, elle fait mine de ne pas l’avoir reconnue, lui offrant son plus beau faux sourire. « Oh, Mme Wu, c’est vous. Navrée, je n’ai pas fait attention. Vous savez, il y a tant à faire en ce moment… Je me laisse submerger. » La reine du mensonge dans toute sa splendeur. Néanmoins, elle sait qu’elle ne peut pas faire n’importe quoi avec elle. Teodora a énormément de mal avec cette femme qu’elle trouve trop… présente. Trop dans la méfiance, même si elle est un peu pareil, au final. « Je ne vous garantis rien, mais je vais voir ce que je peux faire. » Se levant, elle lui tourne le dos, levant  les yeux au ciel. Elle finit devant la porte du bureau de Nicholas, toque et entre sans attendre le feu vert de son supérieur. « Navrée de déranger mais Mme Wu est là et souhaite s’entretenir avec vous. » La rousse ne peut empêcher une grimace, se demandant pourquoi elle souhaite le voir, se demandant même si elle ne pourrait pas juste rester dans le bureau, pour en savoir plus.

Dans une envie de bien faire. De faire bouger les choses. De mettre un coup de pieds dans la fourmilière, Luo-Fei prend l’initiative d’affronter certains de ses collègues à la brute réalité. Dans l’espoir de créer un déclic, une alarme et d’y trouver des alliés. Situations d’urgence qui façonne les chapitres de sa vie : la guerre, l’après-guerre, le retour de Valtor ; elle navigue sur ces eaux dangereuses, maintenant la tête droite et hors de l’eau. Pourtant, bien qu’elle vascile entre deux univers, celui des spécialistes et celui de la politique, elle a encore à apprendre sur ce dernier. Une qualité, un défaut. Point de vue subjectif où certain percevront lacunes quand d’autres y verront une approche moderne. Alors elle envoie valser les protocoles qui font perdre du temps, temps que Valtor ne compte pas pour frapper, pour détruire ; et prend les choses en main. Là où son mari lui conseillera la tempérence, parfois elle s’y refuse. Préférant prendre le problème de face. Impulsivité, peut-être. Mais elle n’en garde pas moins une esprit affuté et alerte.

Face à la secrétaire du cabinet, Madame Bäumler, elle reçoit à sa réclame pragmatique une indifférence qui la fait tiquer. Non pas qu’elle attend par son statut une attention spéciale, mais ce manque de politesse la dépasse. Peut-elle prendre deux secondes pour lever les yeux et adresser un sourire ? Est-ce si compliqué ? Bien qu’elle-même a omis d’annoncer un fragment de salutations, elle s’est tout de même habillée d’une esquisse sur ses lèvres. Le soupire qui s’ensuit, tout comme sa réponse cinglante, lui fait perdre tout sourire. Au sein des spécialistes, elle y retrouve le respect de la hiérarchie, chose que la politique a tendance à remanier selon les affinités. Lorsque Teodora s’excuse, prétextant la surcharge de travail, laissant le visage de la Ministre inexpressif. « Quel dommage de ternir de si jolies prunelles devant un écran. ». Manière détournée de jouer des mots. Jeu de sous-entendus où chacune s’attaque avec élégance. Quelques mots pour la recadrer avec subtilité, bien que leur relation a ce quelque chose de tendu depuis quelques temps maintenant. Lorsque Teodora cède finalement une tentative auprès du Ministre des Armées.

Une entrevue lui est accordée. Comme il pourrait s'agir de cinq minutes avant qu'elle ne soit renvoyée. Elle reste un instant sur le pas de la porte, quand un geste de la main l'invite à entrer. « Merci de m'accorder de votre temps » prononce-t-elle dans les mécaniques d'une politesse bien huilée. Mais quand elle lui demande comment elle va, elle ne peut s'empêcher de contenir son feu sous un sourire de façade et un silence bien scellé. « Il me semble qu'au vu de l'urgence de la situation, il y a des choses que nous devons aborder. »