surprise, surprise! ft. mei-lin wu

surprise, surprise !

mother and father, you gave me life
i nearly gave it away for the sake of my sanity
hurting inside, no end in sight
passing it down, i'm not losing this fight

◊ ◊ ◊

Toutes les bonnes choses commencent toujours mal. Du moins, c’est ce que se répète Mei-Lin pour la cinquième fois alors que l’une de ses nattes se coince - encore - dans la branche d’un arbre. La Gloomy Wood Forest est sombre et pleine de craquements, presque vivante sous les rayons filtrant de l’aube se levant à l’est. Boudée pendant toutes ses études à Alféa, la forêt ne trouve grâce à ses yeux que depuis l’apparition de cet étrange mur de pierre et l’engouement ayant suivi. Devenue lieu gardé, interdit, mystérieux, c’est soudainement son intérêt qui est piqué - et son désir de faire justice, alors que le monde semble basculer chaque jour un peu plus dans le chaos.

Mais passés les barricades et les tours de gardes des spécialistes, il n’y a que les silhouettes tordues des troncs et les hululements des chouettes pour l’accueillir. Elle pourrait s’amuser à se faire peur, se remémorer les histoires que l’on se souffle le soir à l’université, les yeux rivés à la fenêtre, remembrances d’un passé guère éloigné. Elle pourrait même s’inquiéter des ombres glissant sur l’écorce des arbres autour d’elle, monstres et créatures fantasmés, ennemis tapis dans l’obscurité n’attendant que de l’attaquer. Mais la peur est peut-être le seul sentiment qu’elle n’éprouve pas en excès - peut-être le seul gage d’une famille qui lui a appris à toujours tout contrôler, tout préparer, tout maîtriser. Parce que la peur est aveu de faiblesse, et elle a toujours cherché à prouver qu’elle ne l’était pas, faible, quand bien même ça n’aurait rien changé. Alors elle n’a pas peur, ne tressaille pas, ne faiblit pas le pas. Même quand l’adrénaline retombe et qu’il ne lui reste que la boue sur ses vêtements, la fatigue dans ses muscles et un amer sentiment dans la bouche, elle ne se laisse pas dominer par tous les signes pointant à une très, très, très mauvaise idée. Fierté, témérité, inconscience. Elle s’est toujours laissée dicter par ses pulsions, et c’est ce qu’on lui a toujours reproché.

Le mur ne lui semble soudainement pas si impressionnant, quand bien même dans l’obscurité faiblissante elle distingue à peine sa silhouette lointaine. Peut-être s’est-elle fait des films, comme elle aime si souvent le faire. Trop d’espoirs placés en cette apparition anecdotique - à s’imaginer quoi ? Être l’élue qui en percerait les mystères ? Curiosité doublée d’orgueil, le tout mué par une folle volonté de reconnaissance. Ces dernières années l’ont rendue avare, désireuse de se rendre plus utile dans le combat de la Lumière contre les Ombres. Nettoyer les verres sales du Frutti n’aidant pas, c’est ce genre d’escapades qui lui fait trouver un semblant de sens dans sa lutte, quand bien même imprudente. Un jour, elle en paiera le prix. Aujourd’hui, elle ne l’envisage même pas.

Elle ne la voit pas, pas tout de suite. La première chose qu’elle sent, c’est cet étau se refermant autour de son coeur. Une rigueur si forte qu’elle en perd son souffle, l’air bloqué dans ses poumons comme si soudainement une poigne de fer entourait sa gorge. Mei-Lin connaît ce sentiment par coeur : cette force inouïe qui envahit l’espace et recouvre tout, s’impose aux autres comme un bras de fer qui jamais ne faiblit. Il n’y a qu’une femme capable de la faire réagir ainsi. D’une voix qu’elle aurait aimé beaucoup plus assurée, elle parvient tout juste à articuler. Maman ? Comme une gamine perdue dans la forêt cherchant l’ombre familière de sa mère pour se rassurer. Mei-Lin déteste aussitôt la pointe de soulagement piquant son coeur et se redresse, reproduisant mécaniquement les codes de conduite inscrits au fer blanc dans sa chair et dont elle ne s’est jamais réellement affranchie. Qu’est-ce que tu fais là ? Le temps et la distance lui ont fait oublier les bonnes manières, la surprise de la situation achevant d’en balayer les dernières ruines. S’il y a une intrus ici ce n’est pas celle qui est ministre des affaires intérieures, héroïne de guerre et personnalité politique acclamée. Pourtant Mei-Lin ne peut s’empêcher de rester sur ses gardes face à sa mère, elle qui n’a jamais hésité un seul instant à sacrifier sa famille au profit de ses ambitions. Celle qu’elle voit n’a plus rien d’une figure maternelle, juste une figure du Haut-Conseil capable de tout si cela peut arranger sa carrière. La fée garde les paumes dressées, visibles, autant un signe de paix que de soumission. Elle ne saurait même pas dire à quand remonte la dernière fois où elle s'est sentie aussi minuscule, insignifiante, écrasée sous l'aura de cette femme qui n'a de maternel que le titre filial ? Que peut-elle être d’autre qu’une gêne à ses yeux, à ce moment précis ? Ne me dis pas que tu as un lien avec ce foutu mur. C’est quoi, ce délire ? Pourquoi t’es pas accompagnée par ton armée de petits sbires du Haut-Conseil ? L’impossibilité de la situation la rend insolente. Elle aurait certainement préféré tomber sur un monstre plutôt que sa mère - bien que ce soit les deux qui hantent ses cauchemars.

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