V like Viper

Mi-juillet 2023, un dimanche après-midi, au Golden Park

Le ciel bleu s'ouvrait telle une parfaite bénédiction sur la plaine verdoyante du Golden Park où gazouillaient des oiseaux effarouchés par cet éternel cycle des amours en cette période d'été. L'odeur du gazon fraîchement coupé remontait dans les narines comme une douce brise de liberté et de notes fruitées, annonçant ainsi une splendide journée ensoleillée que rien ne saurait véritablement perturber comme d'un cocon en verre promettant de préserver cet apaisement. Le terrain de golf s'étendait à perte de vue sur un horizon très lisse et lointain, d'où il était possible de dissocier la ville d'un côté avec ses grands immeubles ainsi que les hautes montagnes de l'autre. Il suffisait seulement de tourner la tête pour se rendre compte que cet emplacement bien stratégique, représentait comme une cuvette intemporelle appartenant à deux mondes, sans nécessairement s'y fondre totalement. Cet endroit apparaissait comme le juste milieu délectable dissociant les bruits éreintants des coup de klaxons, de cette vie agitée et tourmentée des citoyens, de la plénitude presque mystique qu'offrait mère nature à ceux ou celles, sachant observer et se délecter de ses plaisirs simples comme la vision de hauts rochers inaccessibles, où les nuages se posaient sur ces lits de pierre pour faire une pause.

D'un geste savamment entrepris, le club de golf se levait en arrière, s'élançant ensuite en avant de son bras articulé afin d'envoyer la balle vers sa destination. La tranche de sa main se posait immédiatement sur son front comme une visière pour cacher ses yeux des rayons du soleil, surveillant la trajectoire de cet arc de cercle tandis que la sphère rebondissait au sol, force de gravité, tout en continuant son chemin vers le trou dédié à ce titre. Malheureusement, le petit objet sembla manquer de puissance tandis qu'il roulait, roulait... Puis il s'arrêta seulement à quelques centimètres de sa destination finale, manquant de lui arracher une légère grimace vexée. Un souffle contrarié venait gonfler son nez alors qu'elle rabattait sèchement son bras le long de son corps en constatant son échec. « J'aurai dû y aller plus fort. Je le savais. » pestait-elle alors qu'elle se détournait pour aller chercher une nouvelle sphère à envoyer en l'air, bien déterminée à battre son record de distance. Miranda se remettait donc en position, écartant les jambes, le dos droit et le port de tête levé pour jeter son élan encore une fois en y mettant davantage de vigueur. Et la balle s'envola, plus haute encore sur ce saut périlleux et mesuré, avant de glisser, glisser... Et enfin, elle atteignait le crâne décomposé posé sur l'herbe, puis passa par la mâchoire ouverte pour trouver refuge au fond de sa cavité.

Immédiatement, la sorcière dégaina ses jumelles pour s'assurer qu'elle avait ciblé dans le mille et quand elle les rabattait, elle se mettait à sautiller sur place comme une enfant ayant réussi un exploit de taille. Puis son enthousiasme se calma, sortant un paquet de sa poche dont elle tira une cigarette pour l'allumer entre ses lèvres. « Tu vois Jonathan, c'est ce qui s'appelle savoir atteindre son but. » A cette remarque, ses lèvres s'étiraient avant d'éclater d'un rire sordide, crachant sa fumée par les narines. Dimitri était finalement parvenu à s'occuper de son sort même si Sooky lui avait été d'une aide non négligeable dans ce but et elle n'était pas peu satisfaite de s'être enfin débarrassé de cette raclure. Ils avaient mis un peu de temps avant de pouvoir mettre la main sur ce type qui avait profité de la montée en puissance de Valtor pour reprendre du service sur des expérimentations d'enfants et d'adolescents. Son laboratoire avait été disposé de sorte à ce qu'il soit bien dissimulé dans les souterrains en dessous même de Magix, là où personne ne pouvait véritablement s'y attendre. Mais force est de constater que ce n'était pas suffisant pour échapper au sifflement vicieux de la Vipère. « Je t'aurai bien proposé une cigarette pour m'accompagner mais... » Ses épaules remontaient brièvement, d'un air navré. « Ta tête n'est plus sur ton cou. » Son index venait tapoter sa barrette de nicotine, faisant tomber les cendres, tandis que son regard s'attardait sur les monts escarpés qui rognaient le ciel azur. Néanmoins, elle ne pouvait pas se contenter de cette petite vendetta, elle avait encore bien d'autres choses à régler, plus importantes encore que ce chercheur excentrique.

Puis un bruissement de semelles sur le gazon venait gâcher le silence ambiant la tirant de ses pensées, pivotant le buste pour découvrir son adepte planté à deux mètres d'elle, les mains dans les poches et la capuche sur la tête. Ses paupières se plissaient en le jaugeant de ses rétines noires avec les traits de l'incompréhension. « Sérieusement Chuuya. Je sais que tu n'as pas le sens du style mais peux-tu porter autre chose que des sweat ? Il fait trente-cinq degrés. » Il lui souria d'emblée, l'expression amusée. « Les UV sont dangereux pour la peau et la santé. Tu devrais en tenir compte. Enfin. C'est un conseil. » La dame levaient les yeux en l'air, préférant ignorer le sous-entendu sur son âge ou un autre quelconque rapport, s'approchant de la glacière sur un soupir pour l'ouvrir et en sortir de la limonade fraîchement préparée. Ce garçon, elle l'avait initié à son projet quand elle l'avait tiré des griffes de membres de l'armée des ombres, il y a quelques années déjà. Il était en sang, passible d'y rester si elle n'était pas intervenue à temps, avec des couteaux encore plantés dans le bide. Mais elle avait choisi de le prendre sous son aile, en échange de ses services, tant qu'il lui était utile au sein du groupe de Valtor. La matriarche avait tout de suite su déceler un potentiel chez ce gamin entre son pouvoir, son sens de l'observation, de l'analyse et sa capacité à pouvoir se mêler d'absolument tout, tout en conservant à chaque fois cinq coups d'avance. Toutefois, ce talent réclamait aussi de la patience et de la discipline car il n'était pas le plus évident à gérer à cause de son tempérament mesquin, son arrogance ou encore très justement, sa faculté à mettre son nez partout. Néanmoins, elle le savait surtout très prometteur, ce n'était pas pour rien qu'il représentait à ses yeux, l'un des meilleurs de son organisation. Miranda lui tendait ensuite un verre que son petit prodige accepta tout en s'installant tranquillement sur le transat. « Alors dis-moi. Je suppose que tu n'es pas ici pour faire une partie de golf alors, j'espère que tu as une bonne raison de me déranger. » demandait-elle en le servant, pour le rejoindre sur la chaise juste à côté de lui.

« Personnellement, je préférai être dans mon lit. » grognait-il un peu sans toutefois se faire prier pour sortir les dossiers, mettant la main dans son sac pour y prendre un classeur d'où il dépassait des feuilles mal rangées. Il lui avança donc afin qu'elle s'en saisisse, ce qu'elle ne manqua pas de faire dans le même mouvement. « Constate par toi-même. » Sur ces mots, son regard se mettait à briller d'une lueur assurée, de celle qui signifiait que Chuuya était sûr de son coup. La leadeuse du Game of Chess le connaissait suffisamment pour reconnaître ce genre de détail. « On sait qui cherche à s'en prendre à toi et ton entourage. » Sur un hochement de menton, il lui désigna les éléments entre ses doigts tandis qu'elle parcourait attentivement chaque photo prise, chaque note, chaque coupure de journaux relatant là le fil conducteur que son Fou avait élaboré minutieusement depuis un mois. Un léger tremblement s'empara tout d'un coup d'elle, faisant reculer légèrement le buste de son adepte par instinct. L'ambiance se chargeait déjà d'une énergie plus sombre et lourde, suffisante pour donner un mal de tête bien senti. Le citron sur la tranche de son verre se mettait à flétrir, s'ensuivait la verdure démarrant de pourrir comme si elle était en proie à un mauvais coup de soleil. Oui, cette enquête l'avait mené à un homme qui autrefois, avait tenté de se dresser sur sa route en manquant de la dénoncer à l'époque pour ses manigances entre l'ombre et la lumière. Une plaie dont elle s'était pourtant débarrassée en le condamnant à une existence d'errance et de souffrance sur Omega. Sa nuque pivotait subitement vers l'espion, le pourfendant de ses rétines en colère, la mâchoire crispée par cette déconvenue. Ce type là c'était...

« Fletscher. »