thrill ride (oleya)

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Un coup d’oeil à sa montre lui fait réaliser que son service vient de finir. Trois heures quatre du matin, l’heure de mettre les voiles hors du Frutti Music et ses dernières notes de musique essoufflées dont le rythme endiablé ne parvient plus à enchanter qu’une poignée d’inlassables client·e·s. Mei-Lin peut sentir leur énergie vibrer comme une onde parcourant son corps, pulsion exaltante l’animant toute entière quand bien même cette folie n’est pas la sienne. Elle ferme les yeux et expire lentement, tentant de rassembler les derniers vestiges de concentration encore à sa portée malgré l’heure tardive. Il lui faut plusieurs secondes pour réussir à vider sa tête, chasser ces impulsions martelant l’intérieur de son crâne comme si elles y étaient invitées, ne penser plus qu’aux battements de son coeur tapant contre sa cage thoracique comme un psaume l’ancrant dans la réalité. Quand elle rouvre les yeux, le vacarme est chassé, la tempête est passée. Elle pousse un long soupir et se laisse guider par ses pieds vers la petite porte menant aux vestiaires du staff, loin de ce brouhaha qui parfois l’attire autant qu’il l’accable.

Elle a beau aimé ce poste de barmaid, elle est ravie de quitter la position parfois un peu trop rigide que lui impose son rôle derrière le bar, bien trop envieuse des danseur·se·s insouciant·e·s pouvant s’abandonner sur la piste. Débauches qu’elle connaît tous les soirs de la semaine où elle n’est pas occupée au travail, délivrance trouvée dans la fête et l’excès pour oublier les aléas accablant son quotidien et laisser de côté ses soucis financiers et familiaux. Ces mêmes soucis ne font que la frapper de plein fouet dès lors que le son se coupe et qu’elle se retrouve ramenée à la réalité, échappatoires qu’elle sait inévitablement passagers mais dont elle ne peut se passer.

Une fois dans la loge réservée au personnel, elle envoie valdinguer au fond de son casier le petit tablier lui servant de carcan professionnel pour vite enfiler son armure de cuir. Vieille veste dégommée et recouverte de pins et patchs en tout genre, symboles de ses victoires raflées sur les circuits embourbés du quartier sud, arborée comme une parure de guerre la protégeant de tous les maux. Un coup d’oeil dans le miroir lui fait entrapercevoir sa silhouette, complètement déséquilibrée par le blouson mille fois trop grand pour sa corpulence, mais qu’importe. Elle n’a jamais aimé les vêtements ajustés, préférant cacher dans les plis de fringues trop larges ce corps frêle qui lui a valu tant de critiques.

Sur le parking du bar, elle s’autorise une courte pause le temps d’envoyer quelques sms. Rituels immatures, petit bilan quotidien des visages aperçus lors de la soirée qu’elle rédige à l’attention d’une audience aussi friande de ragots qu’elle. Lorsqu’elle relève les yeux de son téléphone, elle aperçoit une silhouette familière se dessinant parmi les nuages de brouillard marquant l’arrivée du petit matin, tignasse brune qu'elle reconnaît aussitôt. Un large sourire étire ses lèvres alors qu’elle agite ses bras en grands mouvements maladroits pour attirer son attention. En vain. Voyant que son petit numéro ne suffit pas, elle s’élance et traverse le parking en quelques foulées pour la rejoindre, sans un regard pour les éclaboussures maculant ses bottes déjà défoncées à chaque flaque d’eau traversée.

Hé ! Oleya !!

Brusque freinage, elle se plie en deux pour reprendre son souffle alors que son corps faible lui fait payer le prix de cette course imprévue. Même hors d’haleine, son sourire radieux ne la quitte pas, traversant de part et d’autre son visage juvénile, encore marqué par les traits de l’enfance innocente. Ses yeux scintillent pourtant d’un éclat dangereux, étincelle téméraire qu’elle sait partagée par son amie toujours partante pour la suivre dans les aventures. Elle peut déjà sentir son esprit se griser en redressant son visage vers le sien, cherchant dans son regard la même lueur tentatrice, sa propre mémoire imprégnée des souvenirs de ces soirées se soldant forcément en conneries et autres plans foireux en sa compagnie. Croiser son chemin rend les perspectives de cette fin de service mille fois plus intéressantes, marquant un nouveau temps dans cette nuit qui, finalement, ne fait que commencer. Goût du risque partagé et amplifié par leur subite proximité, son esprit fourmille déjà de milles idées qui sauraient rendre leur rencontre plus amusante.

Qu’est-ce que tu fais là ? T’étais à la soirée du Frutti Music et tu n’es même pas venue voir ta barmaid préférée ? Ses lèvres se tordent en une moue faussement boudeuse le temps d’un instant, avant de laisser échapper un grand éclat de rire. Dis, t’as pas prévu de rentrer tout de suite… Si ? Moi, j’aurais bien envie de m’amuser encore un peu. Surtout qu’à la coloc, il y a encore un tuyau qui a pété et j’ai pas envie de rentrer dans une pataugeoire. Elle joint ses mains en signe d’imploration, le regard presque larmoyant. Elle sait qu’Oleya n’a pas besoin d’autant d’explications pour accepter ce genre d’invitations mais c’est plus fort qu’elle, il faut toujours qu’elle soit dramatique. Son petit numéro ne dure pas très longtemps, le sourire espiègle reprenant le dessus sur l’expression bien trop sérieuse, naturel dont elle ne peut se séparer.

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Souffle petit à petit retrouvé à mesure que l’éther rentre dans ses poumons, sûrement aidée par la présence d’une âme amicale croisée au beau milieu de cette nuit pleine d’ennui. Je sais, je sais, ma beauté est à couper le souffle ! Lui lâche-t-elle en balançant ses cheveux en arrière, et Mei-Lin ne peut pas s’empêcher de sourire. C’est vrai qu’elle est belle Oleya, avec ce sourire espiègle et cet air innocent cachant son grain de folie. Elle a cet aura qui déclenche des incendies, qui donne envie de tout casser et de danser jusqu’à être complètement épuisé. Ce que je fais là ? Et bien j’me suis fait abandonner.. Ses sourcils se froncent à l’explication donnée, issue qu’un esprit comme le sien ne peut même pas envisager. Mais ils étaient de mauvaise compagnie, sauf pour mon porte monnaie car on m’a payé tous mes verres, c’est pour ça que je n’ai pas pu venir voir la meilleure des barmaids ! Justification suffisante, d’autant plus si la brune a réussi à user de ses charmes pour obtenir des faveurs. Première leçon apprise dans le monde de la fête, un sourire vaut mille verres alors autant apprendre à ce servir de cet avantage.

Mmmh le choix est dur… Retrouver mon lit douillet et faire une bonne nuit de sommeil… ou alors m’amuser comme une petite folle en très bonne compagnie ?! L’expression presque trop sérieuse de son visage inquiète un instant Mei-Lin avant qu’elle ne saisisse le subterfuge. Un refus qu’elle n’aurait jamais accepté de toute manière, pas de la part de celle se faisant partenaire de tous ses plus grands excès. Conjecture presque trop parfaite pour qu’elles laissent filer l’occasion d’une nouvelle aventure quand tous les signes les invitent à se saisir de l’instant présent.

Évidemment que je vais rester et m’amuser ! Je n’ai pas eu mon quota de fun ce soir ! En plus j’ai déjà une petite idée de ce que l’on pourrait faire… Réponse qui lui convient amplement, Mei-Lin lui attrape les mains et la fait tournoyer autour d’elle pour témoigner de sa joie, le même sourire sur les lèvres, deux facettes d’une même pièce n’attendant que d’accomplir le pire. Vous avez envie de créer un aquarium géant dans votre coloc ??

La blonde ébouriffe les cheveux de son amie pour avoir osé pareille plaisanterie sur une situation n’ayant rien de drôle… Ou seulement un petit peu. En vérité, la mention de son appartement la déprime légèrement car cela signifie de nouvelles factures à payer avec un argent qu’elle ne possède pas. Son comportement ce soir résulte sûrement de ce désagrément, son esprit ayant besoin de décompresser après avoir passé la journée à chercher une solution à ce problème financier.

Franchement, avoir dans l’appart’ un aquarium géant ou une piscine ce serait dément. Mais là, c’est le mois de février et j’ai pas envie de me les geler. Répond-elle en replaçant quelques unes de ses mèches derrière son oreille distraitement, son expression s’assombrissant un instant avant de retrouver son éclat pétillant de malice. Mais j’suis sûre que ça va s’arranger, peut-être même cette nuit ! Les miracles, ça existe ! S’exclame-t-elle comme pour se convaincre elle-même, bien loin d’en espérer autant de la réalité.

Attrapant le bras de son acolyte, elle l’entraîne dans une promenade effrénée dans le parking, sautillant et tourbillonnant sous l’éclairage rosé des néons du bar encore allumés. Trop d’énergie qu’il lui faut dépenser, et elle sait qu’Oleya est la première à la suivre dans ce genre de mouvements.

C’est quoi ton idée alors ? Demande-t-elle au bout d’une énième pirouette maladroite, manquant plus d’une fois de perdre l’équilibre. Esprit en furie mais corps peinant à suivre, rappel de sa santé fragile qu’elle ignore toujours dans ce genre de circonstances où l’enthousiasme prime sur la prudence. Au pire, il leur suffira de trouver un petit remontant et ses problèmes physiques disparaîtront le temps d’une nuit pour mieux la faire souffrir le lendemain. Conséquences dont elle se fiche et qu’elle laisse volontiers au futur, bien trop happée par l’instant présent et ce qu’elles peuvent faire de ce moment n’appartenant qu’à elles. Promis, ce soir, on se couchera pas avant que nos corps soient complètement vidés de toute énergie ! On fera regretter à tes crétins de potes d’être parti·e·s avant même que la soirée ne commence !

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L’esprit encore étourdi par ses pirouettes, un sourire rêveur collé sur les lèvres, les échos des applaudissements d’Oleya retentissant encore à ses oreilles, Mei-Lin se dit que c’est sûrement ça le paradis. Un parking où il n’y a qu’elles et leurs rires, où la nuit leur appartient toute entière. Libres de tourner, sauter, danser et s’éclater au sol autant de fois qu’elles le veulent, sans que personne ne vienne les contredire ou leur dire de partir. Un goût de liberté qui ne cesse de l’enivrer, même des années après s’être émancipée - cette adrénaline qui parcourt son corps tout entier à l’idée d’avoir tout à sa portée et rien pour la stopper.

Oh crois moi qu’ils vont en entendre parler de cette soirée qu’ils m’ont promis, mais que toi seule m’auras offert ! Trahison qui ne cessera de l’offusquer - esprit incapable de concevoir qu’on puisse refuser telle soirée. Elle hoche vigoureusement la tête comme pour appuyer sa promesse, pour se différencier de ces lâches ayant abandonné son amie. Alors cette idée.. et bien elle me trotte dans la tête depuis bien longtemps .. et je me dis qu’il est temps que je passe à l’action !

Ses yeux s’illuminent comme ceux d’un enfant à qui l’on promet une surprise - c’est un instinct presque candide qu’elle a face aux idées d’Oleya, une excitation si difficile à contenir qu’elle se met à sautiller sur place. Le sourire sur ses lèvres s’agrandit alors qu’elle se penche un petit plus, tout dans son attitude criant à son amie d’en dire plus. Miroir l’une de l’autre, chacune nourrissant l’excitation de l’autre, à sautiller sur place telles deux gamines. Tu n’as jamais rêvé de remonter dans un caddie de course comme quand tu étais petite ? Mais cette fois ci tu es grande et tu peux courir à tout vitesse en le poussant avec quelqu’un dedans et voir jusqu’où il va aller ou même s’il va changer de trajectoire ? Tu ne contrôles rien et c’est le caddie qui décide de tout !

Waouh. Ça a l’air complètement dangereux, inconscient et débile. Ses sourcils se froncent en une expression faussement contrariée, de celles qu’elle adore prendre pour imiter les rabats-joie qu’il lui arrive de croiser au bar ou  à l’école. Mais son sérieux ne dure que quelques secondes, et déjà le sourire plein de malice reprend place sur ses lèvres alors qu’elle s’exclame. J’adore cette idée !

Parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion de faire ça, même petite. Enfant bien trop fragile dans un environnement parental bien trop strict pour la laisser ne serait-ce qu’approcher d’un parking sans supervision. Les insouciances de l’enfance, elle ne les a découvertes qu’à 20 ans - et sûrement que dans son attitude puérile se cache le désir de rattraper toutes ces années où elle a été privée d’innocence. Oleya est la partenaire parfaite pour rattraper ce temps perdue, comme une fenêtre ouverte vers un océan de possibilités. De l’éclat pétillant de ses yeux jusqu’au rictus malicieux de ses lèvres, tout en elle respire la liberté et inspire Mei-Lin à se détendre. Qu’importe qu’il soit trop tard, qu’elles aient des factures à rembourser et des devoirs à terminer. Il y a dans chacune de ses propositions la promesse d’une aventure et l’insouciance qui va avec. Avec elle, Mei-Lin peut enfin être l’enfant qu’elle n’a jamais pu être à Eraklyon. Elle peut faire taire les voix assassines de ses parents pour ne penser enfin qu’à elle, et tant mieux si c’est con, tant mieux si c’est ridicule, tant mieux si c’est futile. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse lui faire, ces échappées belles à la vie qui a été si cruelle. Alors quand Oleya lui expose son plan terrible, c’est le plus grand des sourires qui étire les lèvres de la fée. Encore plus beau qu’un million de couronnes ou un royaume à la clé, juste la nuit pour elles, pour déconner, pour s’oublier.

Te moque pas, hein, mais en réalité, j’ai jamais fait de courses de caddies, même petite. Lui souffle-t-elle en lui prenant la main pour l’entraîner plus loin, là où elles pourront trouver leur nouveau jouet tant convoité. L’obscurité facilite cet aveu un peu gêné alors que ses pieds s’amusent à sauter dans les flaques d’eau au sol. Il faut absolument qu’on pallie à ça, tu crois pas ? Malice qui vient éclipser les derniers nuages de son esprit alors qu’apparaissent dans son champ de vision quelques caddies délaissés sur le bord du parking. Tout dans la proposition d’Oleya lui plaît : la vitesse, l’adrénaline, la perte de contrôle. Lâcher prise, c’est exactement ce qu’elle aime dans ces aventures. Laisser le ciel décider pour elle, et qu’advienne que pourra. Peut-être qu’un caddie c’est futile ou débile pour d’autres, mais pas pour elles. Pour Oleya, Pour Mei-Lin, c’est un pied de nez à leur destinée.

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Oleya représente tout ce qu’elle n’a pas pu être, l’insouciance qu’elle a du sacrifier au profit de desseins dont elle n’a jamais voulu faire partie. Dans ses idées folles et son sourire enthousiaste, elle offre à Mei-Lin toute la liberté dont elle a été privée pendant trop d’années, la fait retomber dans une enfance qu’on lui a arrachée. C’est exactement parce que ça réunit ces 3 qualités que l’on ne peut pas passer à côté et que l’on se doit d’essayer ! Elle ne peut qu’approuver, elle qui a passé toutes ces dernières années à poursuivre ce genre d’activités : danger, inconscience et débilité sont désormais les critères de toutes ses entreprises, comme s’il fallait rattraper toutes ces années passées sans jamais rien risquer. Oh j’suis vraiment désolée pour toi… sache que je n’ai jamais VRAIMENT fait une course, c’était juste pousser le caddie un peu rapidement et sauter dessus alors qu’il avance.. ou laisser mon frère pousser et prendre des virages serrés.. c’était rigolo mais je n’ai jamais eu l’occasion de me lâcher pleinement en extérieur. L’empathie d’Oleya lui va droit au coeur, tout comme ses impressions. Elle n’a aucun mal à l’imaginer avec le reste de sa fratrie dans ce genre de scènes, toustes poursuivant la même idée naïve du divertissement sans jamais la remettre en question.

ÉVIDEMENT on se doit de tester ça ! Pour toi et pour tous ceux qui n’ont pas eu l’occasion ou la chance d’y goûter en étant jeune ! Enthousiasme contagieux, et Mei-Lin crie à son tour quand Oleya les entraîne en courant vers le nouveau parking, sans comprendre tout de suite la raison de son exclamation. Mais pas besoin de comprendre pour partager son excitation, et elle la suit gaiement en continuant de crier, jusqu’à arriver devant une file de caddies abandonnées. C’est presque une scène figée dans le plus profond de la nuit, n’attendant que d’être trouvée par elles et leurs ambitions pleines de malices. Les chariots semblent prendre vie sous l’inspection minutieuse d’Oleya : le métal semble retrouver de son éclat sous la lueur de la lune et des lampadaires clignotant, leurs roues semblent se gonfler comme pour prouver leurs capacités à les entraîner dans les courses les plus folles. Un coup d’oeil à la brune et Mei-Lin sait déjà ce qu’elle pense : elles ne pouvaient pas trouver mieux. Ils m’ont l’air parfait ! Maintenant on a deux options, soit on tente chacune de notre côté de le prendre en main, de courir pour se jeter dedans ensuite, OU, ou alors on se pousse l’une l’autre jusqu'à ce qu’on ne puisse plus tenir le caddie et qu’il trace sa route avec l’une de nous dedans… Mei-Lin fait le tour d’un des chariots, l’air songeuse, avant de se retourner pour observer la route partant du parking mal éclairé pour s’enfoncer bien plus loin dans l’obscurité. Il y a une autre option… L’une de nous s’installe dedans et l’autre pousse jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle ne pourra plus tenir et à ce moment elle monte sur le bord et reste en équilibre sur la poignée du caddie… Continue de réfléchir à haute voix Oleya, et le déclic se fait. Bingo ! S’exclame-t-elle en s’appuyant sur l’un des chariots pour bondir en l’air. Je suis pour !

Et elle continue de sautiller une, deux, trois fois en faisant le tour des caddies dispersés sur le parking, laissant ses mains glisser sur le métal comme à la recherche d’un signal de la part d’entre eux. N’importe quoi qui lui indiquerait qu’il s’agit du bon, celui qui roulera le plus vite, celui qui ira le plus loin, et surtout, celui qui leur garantira le moins possible toute forme de sécurité. L’inverse totale de ce qu’une personne raisonnée chercherait - mais ont-elles été à un seul moment du genre à être raisonnable ?

Pourquoi s’embêter à chercher à prendre en main ces caddies quand on pourrait juste sauter dans l’un et voir ce qui se passe ensuite ? Regarde, là-bas, il y a une pente qui n’attend que de nous voir la dévaler. Index qu’elle pointe vers l’une des extrémités du parking, où une route disparaît derrière les clignotements d’un lampadaire bien mal en forme. C’est tout ce dont elle a besoin pour savoir que c’est là où elle veut aller, le plus vite possible et avec le moins de préparations possibles. Sans attendre, elle se glisse dans l’un des caddies et fait signe à Oleya de s’approcher. L’espace est plus exigu que ce qu’elle avait imaginé, et lui rappelle presque les cabanes de fortune qu’elle se faisait en s’enfermant dans les placards du manoir familial pour échapper aux activités. Seulement, avec ses genoux collés contre elle et le froid du métal contre sa peau, ce n’est pas l’obscurité qui envahit sa vision mais le ciel étoilé au-dessus de leurs têtes, comme autant d’auréoles de fortune. Cette fois-ci, c’est toi qui pousse. Si on est pas trop amochées au bas de la route, c’est moi qui le fera ensuite ! Lui promet-elle, tout en espérant le contraire, car plus grand le danger est mieux c’est, et il n’y a qu’en fonçant tête la baissée dedans qu’elle se sent pleinement exister.

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Bien calée dans son bolide de fortune, Mei-Lin passe ses bras autour de ses genoux pour les serrer un peu plus contre elle. Crois moi, je compte mettre tout le carburant que j’ai pour faire de cette course quelque chose d’exceptionnel et d’unique ! Lui promet Oleya, qu’elle peut entendre prendre en main le caddie comme l’on saisit un engin de course. Les premiers mètres qu’elles parcourent sont tranquilles, presque une promenade de santé jusqu’à atteindre la route en pente n’attendant plus qu’elles pour se transformer en descente de course olympique. Relevant son visage pour croiser le regard d’Oleya derrière elle, ses propres yeux balayés de mèches blondes, Mei-Lin lui rend son sourire éclatant avec la même étincelle dans le regard. Prête ? Qui se passe bien de réponse, car déjà l’eraklienne est en train d’hurler quand bien même le décompte n’est même pas terminé. Quand la voix d’Oleya se joint à elle et que le chariot commence à fendre l’air, elle passe ses mains en dehors de la structure pour sentir le vent sur sa peau, comme s’il s’agissait de la meilleure attraction possible - le rollercoaster Oleya. Les yeux fermés pour mieux apprécier toutes les sensations de la course, elle sent un poids se charger à l’arrière du caddie et en déduit que c’est son amie qui s’y est perchée, une fois atteinte la pointe de vitesse désirée, filant maintenant à toute allure - où ça ? Seules les étoiles au-dessus d’elles le savent. Elles deux se fichent bien de la destination, seuls comptent le vent fouettant leurs visages et leurs hurlements comme certitudes.

Meiiiiiii-Liiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin Hurle Oleya derrière elle, ses cris se perdant dans les sifflements du vent dans leurs oreilles. Mei-Lin s’accroche de toutes ses forces aux parois métalliques du caddie en hurlant à son tour, laissant sortir toutes les émotions venant submerger son coeur. Le monde extérieur disparaît pour ne laisser plus que l’adrénaline de la vitesse, le froid de la nuit sur ses joues, ses doigts agrippés au métal et la joie de savoir que tout cela ne peut que finir mal. Quand l’une des roues heurte un caillou sur le bitume, comme un hoquet dans leur course, elle lâche par réflexe sa prise sur le véhicule de fortune alors que celui-ci vire dangereusement à gauche, loin du béton et de la faible lumière des lampadaires.

Elle sent d’abord le chariot heurter le sol puis son épaule en contre-coup, avant que ce soit sa tête qui percute le sol. Roulé-boulé. Les roues du caddie continuent de tourner après s'être éclaté au sol et les avoir crachées à terre, à mi-chemin entre le bord de la route et les buissons ayant tant bien que mal amorti leur chute. Mei-Lin voit des points clignoter au-dessus d’elle, sans s’avoir s’il s’agit d’étoiles ou d’éclats du lampadaire. Tout ce qu’elle parvient à faire c’est se remettre à rire, encore un peu sonnée, encore un peu extasiée.

Oh, wow... Souffle-t-elle en se redressant péniblement, prenant appui sur l’asphalte humide de rosée nocturne pour ne pas perdre son fragile équilibre. Ses yeux détaillent avec consternation ses avant-bras, discernant ici et là quelques éraflures là où son derme a raclé le bitume, puis descendent sur ses genoux égratignés, dont les contusions bleutées apparaitront bientôt - des dégâts superficiels, presque ridicules, qui ne tarderont pas à devenir les détails anecdotiques d’une nouvelle aventure qu’elles pourront raconter. Néanmoins, Mei-Lin ne se relève toujours pas, sentant son corps encore sous l’état de choc, qui d’ici quelques heures deviendra bien plus douloureux une fois l’adrénaline passée.

C’était in-cro-yable. Pivotant sur elle-même, ses yeux se posent sur Oleya, tombée un peu plus loin d’elle, aux côtés du caddie échoué dans les buissons. Elle non plus ne semble pas trop amochée, du moins de ce que Mei-Lin parvient à deviner en l’observant : pas de membres dans un angle étrange, pas de mare de sang, pas de hurlements de douleur… Et c’est loin d’être la pire cascade qu’elles aient pu faire ensemble, celle-ci se terminant même relativement bien en vue des circonstances. On allait tellement vite que les étoiles se sont transformées en étoiles filantes. Ou alors, j’ai pris un plus gros coup sur la tête que je veux admettre. Déclare-t-elle en riant, l’une de ses mains posées sur son épaule douloureuse pour la masser légèrement, l’impact encore lancinant. On recommence ?

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