meet me at our spot * 2015 (melione)

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Les réceptions familiales l’ont toujours agacée. Progéniture exhibée sur un plateau d’argent, trophées manipulés par les griffes de parents orgueilleux pour se glorifier auprès d’autres monstres cosmopolites. Tout ce qui ne rentre pas dans leur cadre parfait est dissimulé derrière un voile épais, imperfections repoussées aux ombres pour ne jamais en émerger. Mei-Lin observe de loin ses adelphes passer de main en main, parfaits réceptacles de l’éducation Wu, fierté parentale propulsée sur les devants de la scène élitiste, mensonge tissé de toutes pièces pour correspondre aux attentes des géniteur·rice·s.

Cercle restreint duquel elle s’est toujours sentie exclue, trop faible pour marcher dans les pas de son frère, trop fragile pour participer aux activités qui lui feraient mériter le lourd patronyme, trop différente pour rentrer dans ce moule qui lui est imposé. Cela fait maintenant quelques années qu’elle se retrouve ainsi isolée, aînée aux performances insuffisantes pour trouver grâce aux yeux du patriarche trop sévère, gamine qui fait tâche dans le tableau qu’il souhaite absolument contrôler. La mention de son prénom est évitée lors de ces évènements, existence passée sous silence pour ne mettre que davantage en valeur les prouesses des autres enfants modèles. Lorsque les portes du manoir se ferment, ce sont les silences emplis de sous-entendus qui viennent accueillir la jeune héritière, tous les mots qui ne lui sont pas adressés et qui font encore plus mal que les remarques exaspérées qu’elle pouvait recevoir quelques années plus tôt, avant qu’iels abandonnent. Dix-huit années sonnant déjà comme sa fin, innocence perdue en même temps que la reconnaissance familiale, ses perspectives d’avenir balayées d’un coup de vent alors que tout son monde se résumait aux exploits militaires de ses ascendant·e·s. Elle ne sait désormais où trouver sa place, étrangère dans ce qui jusque-là composait tout son univers.

Efforts pourtant poussés pour cette soirée, la rigueur militaire troquée pour une somptueuse allure dans l’espoir de présenter un nouvel atout aux manigances muettes des parents. Beauté étincelante se fait presque excuse des déceptions causées par son incapacité physique, vaine tentative de rédemption pour retrouver sa place au sein du clan. La robe de tulle ayant captivé un peu plus tôt son coeur coquet se fait désormais entrave, alors qu’elle se fraie un chemin vers les terrasses pour fuir l’atmosphère trop pesante des salles de fêtes où toute l’attention va aux prouesses de ses frères. La honte se referme comme un étau autour de son coeur, pas le moindre regard adressé dans sa direction malgré tous ses efforts pour briller. Une moue boudeuse déforme son visage juvénile alors qu’elle retient ses larmes, faiblesse qu’elle ne s’autorise pas à avoir, maquillage impeccable comme dernier rempart avant que son myocarde ne se casse en morceaux. Dans une autre famille on aurait souligné sa beauté, au moins une qualité trouvée chez elle, mais dans la prison militaire des Wu où seul compte la force, elle ne vaut rien.

Mei-Lin veut juste s’échapper. Trop de verres d’alcool consommés ont fait rougir ses joues mais elle s’en fiche, saisissant même une dernière coupe de champagne présentée à elle comme la délivrance ultime. Enfin elle quitte l’air chargé de sous-entendus de la réception pour traverser d’un pas pressé les terrasses désertes, Cendrillon eraklienne que rien ni personne ne peut retenir en ces murs maudits. Ses pas l’emmènent instinctivement vers les jardins, luxueux arrangements de parterres aux fleurs aussi exotiques que colorées, le tout entouré de jardins labyrinthes à la dernière mode, taillé au bourgeon près pour satisfaire les attentes impossibles du paternel et son oeil perfectionniste. Au moins, dans ces dédales de végétation, personne ne viendrait la trouver pour lui rappeler un peu plus qu’elle ne rentre pas dans le moule des attentes parentales, place qu’elle n’obtiendra jamais, pas avec ce corps, pas avec ce pouvoir grandissant en elle et éclipsant tout le reste.

Les bras protecteurs des arbustes et des haies l’accueillent avec la chaleur qu’elle ne connaîtra jamais, paradis végétal dans lequel elle trouve refuge depuis des années quand le manoir lui devient insupportable, appréciant la beauté et la quiétude de la nature. En ces lieux, elle n’a pas à se prétendre l’héritière d’un empire qui ne veut pas d’elle, elle peut être simplement elle-même sans le regard inquisiteur de ses parents. Planque favorite dans laquelle elle se sait tranquille, elle finit enfin par freiner le pas pour apprécier le silence et laisser ses doigts frôler les branches des arbrisseaux.

Mais son calme est rapidement brisé quand elle sent la présence d’une autre personne - pas un bruit, pas un mouvement, mais la certitude soudaine de ne pas être seule dans ce labyrinthe qu’elle croyait pourtant sien. Ses doigts se resserrent autour de la coupe contre sa poitrine tandis que son autre main s’agrippe aux maigres branchages, comme s’ils pouvaient lui servir à quoique ce soit pour se défendre. Elle sait que dans le pire des cas, elle connaît malgré elle quelques techniques de défense, assimilées pendant les interminables entraînements familiaux et synonymes de torture pour son corps comme sa tête, mécanismes traumatisés d’une éducation ancrée dans la violence et l’obédience.

Au fond d’elle, elle ne veut juste pas être découverte dans cet état de vulnérabilité, pantin désarticulé qu’on a abandonné après avoir découvert qu’il n’est d’aucune utilité. Ses pommettes pailletées et le rouge de ses lèvres ne trompent personne, impossible de cacher sa nature esseulée. Elle s’attend donc à devoir renfiler son masque de futilité, quelques secondes pour échapper à l’embarras que pourrait causer cette rencontre imprévue, peut-être un couple noble ayant voulu échapper aux festivités pour s’adonner à d’autres plaisirs plus privés. Au lieu de ça, elle découvre un visage familier, maintes fois croisé lors de ces réceptions aussi opulentes qu’aliénantes, énième victime des ambitions parentales.

Melione ? Le prénom lui vient instinctivement, comme s’il était déjà sur ses lèvres avant qu’elle ne fasse le lien avec la lignée Asong et la précieuse amitié liant leurs deux maisons, ou du moins leurs parents. Aspirations partagées des patriarches forçant le rapprochement des deux clans, même si la Wu a toujours secrètement jalousé la situation de leurs benjamin·e·s, protégé·e·s du joug paternel par la mère, épargné·e·s des manigances qui vont de pair avec un patronyme si lourd.

Qu’est-ce que tu fais dans ce labyrinthe ? Son visage se teinte encore plus de rouge alors qu’elle réalise la situation et les déductions que l’on peut probablement tirer en étudiant les détails de son apparence et le verre d’alcool dans sa main. Elle tait la raison de sa propre présence ici, échappée belle de toutes ces responsabilités qui n’ont jamais voulu d’elle. Ses deux sourcils se froncent alors qu’elle tente de rediriger l’attention vers celle ayant empiété sur ce qu’elle considère être son jardin secret. Tu ne devrais pas être avec le reste de ta famille à la réception ? Le dernier mot se coince dans sa gorge, prononcé avec toute l’amertume nourrie envers ces simagrées, mascarades dont elle a été éloignée dès lors que sa valeur s’est effondrée. Portant ses deux yeux sur l’intruse, elle la fixe d’un air intrigué, tentant de percer les raisons ayant poussé l’une des enfants Asong à se sauver d’une soirée où elle est censée rayonner - à moins que, comme elle, ce genre de mondanités lui échappe entièrement.

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Un fin sourire sur son visage, elle essayait de faire son entrée sans maladresse. Chacun de ses pas était calculé de manière à être le plus gracieux possible. Dans son for intérieur, elle avait l’impression d’être une marionnette. Si elle devait parler de grâce, c’était plus sa mère ou ses sœurs. Elle ne parlait même pas de la prestance de son frère. Il fallait qu’elle soit là au début et à la fin. C’était là qu’on notifiait les personnes. Le cerveau était un outil formidable qu’elle utilisait à son avantage. Elle était toujours en vadrouille le reste de la soirée. Étant discrète de nature, ce n’était pas elle qui allait faire une scène en quittant la pièce. Au contraire, il fallait utiliser cela. La jeune femme savait aussi quand il y avait beaucoup de personnes. On ne faisait pas attention à elle. Ce n’était pas l’héritier. L’orpheline avait l’impression d’être une bête à curiosité durant ces visites. Les cours de danse avaient été pour elle une obligation si elle devait se faire piéger dans ce cadre. Ne voulant pas mettre à mal sa famille, Melione était des futées.

Arrivant vers les fenêtres, elle avait l’occasion d’aller visiter les jardins dans le domaine des Wu. L’opération se faisait petit à petit. Les seules vraiment au courant de ses escapades étaient les membres de sa famille. Il ne lui tenait pas rigueur. Ils savaient que ce n’était pas son point fort. Cette soirée était trop opulente pour elle. Il y avait trop de tout. Se rapprochant des fenêtres menant au jardin, elle se glissa à l’extérieur. Voyant qu’elle était encore une des premières, elle put voir quelques tables déjà préparer avec des bouteilles au cas où. Elle s’approcha d’une table. Regardant à gauche et à droite, elle se saisit de la bouteille de champagne déjà ouverte pour partir dans les jardins. Quel gaspillage si elle n’était pas servie à temps. Songea-t-elle.

Le jardin était d’une beauté à toute épreuve. La demoiselle mit la bouteille à ses lèvres sans qu’elle ne soit aucune classe dans ce geste. Après tout, c’était comme boire une bière de luxe. Il valait mieux ça que ce soit ruiné par le manque de bulle. Se laissant aller, elle vit l’entrée d’un labyrinthe. C’était parfait comme planque. L’Asong décida d’aller se cacher dedans pour éviter les regards indiscrets avec sa bouteille. Ne craignant pas de se faire agresser dans une soirée d’une telle envergure, elle continuait de boire tout en regardant l’environnement qui l’entourait.

À un moment, elle entendit un bruit. Mettant la bouteille derrière son dos, elle se déplaça pour voir qui était dans son champ de vision. Très vite, elle reconnut l’enfant de la famille Wu. Légèrement surprise, elle ne s’attendait pas à ce qu’elle puisse sortir son prénom. Hochant de la tête par timidité, Melione n’était pas à l’aise avec la noblesse. Puis, la jeune femme était en train de cacher subtilement une bouteille dans son dos. Quand elle la questionna sur sa présence, elle observa aussi le verre d’alcool entre ses doigts. Fuyait-elle la fête. C’était fort possible vu le dédain de sa famille à son encontre. L’orpheline était très sensible à cela vu sa situation.

Comparée à son grand-frère et sa grande sœur, elle pouvait bénéficier de la protection de sa mère. C’était une éducation beaucoup plus douce qui lui était proposée. Elle n’osait pas imaginer sa vie, si elle était aussi calculée et planifiée comme Nereus. Au secours. Quand elle la questionna sur sa famille, elle avait envie de lui répondre qu’il était assez grand pour vivre leur vie. Melione toussota légèrement. Voyant le malaise qu’elle avait d’être surprise, son empathie la poussa à lui montrer la bouteille. « On va dire que je fais comme toi, Mei-Lin. » Rigola-t-elle légèrement. « Ce genre de fête m’étouffe. Je suis toujours présente au début et à la fin. L’entre-deux, je vis ma vie et je me trouve une blanque. Pas toujours avec de l’alcool, mais la c’était tentant pour une fois. » Se rendant compte qu’elle n’avait pas l’âge à cet instant. « Je serais bientôt majeur. Je suis vaccinée. » Fit-elle un oui de la tête pour confirmer cette information.

« Tu fuis ta famille ? » Demanda-t-elle cache. Pourquoi faire des détours quand elle savait parfaitement sa situation. En la regardant, elle ne comprenait pas du tout leur logique. Peut-être n’avait-elle pas la force ? La demoiselle détenait une beauté comparable à Aphrodite. Puis, si elle ne voulait pas user de la force, la délicatesse était aussi une arme.

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Ses doigts tentent de lisser maladroitement quelques pans de sa robe pour mieux cacher son embarras, prise au dépourvu dans ce qu’elle considérait être son refuge. Elle a du mal à dévoiler cette facette d’elle, vulnérabilité ayant guidé ses pas loin de la réception, aveu d’une faiblesse qu’on lui a toujours appris à cacher. Ces jardins se font promesse d’un moment de paix coupé de tous ces regards critiques, bref répit dans une soirée où elle est à la fois sujet de toutes les rumeurs tout en restant cantonnée à l’ombre. Être prise sur le fait de sa propre fuite la renvoie à toute l’humiliation qu’elle n’a pas encore la force d’affronter, celle qu’elle ravale toujours au plus profond d’elle en espérant un jour dépasser ces entraves.

On va dire que je fais comme toi, Mei-Lin. Ses lèvres s’étirent en un maigre sourire en découvrant la bouteille malhabilement cachée dans les mains de Melione. Cette maigre confidence suffit à faire disparaître une partie de ses angoisses. Elles sont encore toutes deux des enfants, protégées de la dureté du monde et les attentes de la société. Le coeur de Melione est encore épargné de la haine instillée par les perfidies soufflées des adultes. Ce genre de fête m’étouffe. Je suis toujours présente au début et à la fin. L’entre-deux, je vis ma vie et je me trouve une blanque. Pas toujours avec de l’alcool, mais la c’était tentant pour une fois.

Sentiment qu’elle ne comprend que trop bien. L’opulence flagrante des plateaux d’argent, de l’alcool foisonnant et des dorures éclatantes du décor ne suffit pas à cacher la fausseté de ce milieu où chaque sourire n’est qu’un masque pour mieux tromper l’autre. Avec les années, l’atmosphère de ces fêtes se fait de plus en plus étouffante, d’autant plus qu’elle réalise qu’elle n’a même pas sa place dans le tableau dressé par ses parents. Abandon social la laissant sur le côté, jamais assez aux yeux de celleux censé·e·s l’aimer. Tout l’or du monde ne remplacera jamais l’amour familial dont elle manque cruellement.

Je serais bientôt majeur. Je suis vaccinée. Elle hausse mollement les épaules, loin d’être regardante sur les consommations de l’andreïnne quand elle-même se jette sur l’alcool pour compenser les contrariétés de la soirée. Tu fuis ta famille ?

La question sort brutalement, tranchante comme la lame d’une épée. C’est au tour de Mei-Lin de laisser échapper un petit rire jaune tout en vidant la fin de sa coupe de champagne, incapable de répondre à la question maudite sans une goutte de courage liquide.

Oups, touché. Elle grimace et replace quelques mèches derrière son oreille sans réussir à trouver quoi dire, les mots peinant à sortir comme coincés sur le bout de ses lèvres. Doucement, elle lève sa coupe désormais vide pour la présenter à Melione, l’invitant implicitement à lui resservir un verre de ce champagne à la valeur triplée par sa nature volée. Et puis, quelques gorgées d’alcool l’aideront sûrement à exprimer ce que son coeur s’entête à ne vouloir révéler, comme si sa présence ici n’était qu’un secret honteux qu’il ne fallait pas dévoiler. Exactement le même comportement que ses parents. Au fond, toute cette stratégie d’éloignement ne profite qu’à elleux, leur épargnant toutes remises en question.

T’inquiètes, c’est pas moi qui vais te juger. Elle pousse un long soupir, sentant son corps se relaxer petit à petit à mesure qu’elle réalise la présence de Melione à ses côtés, premier visage amical dans cette soirée où toustes semblent vouloir la juger. Elle est la première à ne pas avoir de remarques à lui faire, la première à ne lui vouloir aucun mal, la première à lui témoigner réellement de l'intérêt.

Baissant les yeux, elle fixe les drapés de sa robe pendant quelques secondes avant de commencer à marmonner quelques mots d’une petite voix, la gorge nouée.

C’est pas moi qui les intéresse. Iels ne remarqueront même pas que je suis partie ou pire, ça les arrangera. Ses doigts jouent avec l’une de ses longues mèches blondes alors qu’elle laisse le silence s’installer, encore blessée par l’attitude de ses parents à son égard, incapable de cacher l’expression chagrinée assombrissant son visage. Sensibilité toujours pointée du doigt par son père et méprisée par sa mère, énième preuve de faiblesse justifiant un peu plus l’abandon de leur enfant. Même encore maintenant, perdue dans le labyrinthe de branches et verdures, elle peut entendre leurs voix sévères lui intimant d’arrêter de s’apitoyer sur son sort. Ravalant très vite ses larmes, elle secoue légèrement sa tête pour chasser ces idées noires, celles qui ne savent que lui faire mal, et tente de se concentrer sur le visage de Melione.

Désolée de squatter ta planque, je pensais être la seule à venir dans ce coin des jardins. Généralement, les gens s’arrêtent toujours à l’entrée du labyrinthe. J’imagine qu’iels ont peur de ne jamais en sortir… Quand elle-même aimerait pouvoir y vivre, à l’abri des regards et des jugements toujours trop acerbes des autres.

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Au fond d’elle, elle se sentait en accord dans cette conversation. Personne ne mettait de pression sur ses épaules. L’orpheline le faisait toute seule. Elle n’avait pas envie d’être la pièce rapportée dans la famille. La noblesse avait tellement une langue bien pendue qu’elle faisait en sorte de disparaître de leur collimateur. Pour Mélione, ce genre de soirée était une partie d’échecs où elle n’avait pas le droit d’échouer. C’était beaucoup plus libérateur de se cacher dans un endroit pour lire un livre ou encore regarder un aquarium trop grand dans la maison d’un noble d’Andros. Cela la faisait réfléchir sur sa vie et sur ses valeurs. Qu’est-ce qu’elle serait devenue dans une autre famille ? Il fallait qu’elle essaie d’avancer dans ce monde en s’adaptant à leur coutume.

Cela la rassurait de voir qu’elle n’était pas la seule à vouloir prendre le large durant ces soirées. Tout en montrant la bouteille, elle signalait son effraction au code social. Cela ne lui dérangeait pas. Au pire des cas, sa mère lui collerait un savon. Son regard ne loupa de détailler la Wu. Son haussement d’épaules face à sa remarque lui montra qu’elle n’avait pas été drôle comme elle le voulait. Sa question toucha la demoiselle en face d’elle. Des mots sortirent pour lui dire qu’elle avait réussi à toucher le bon sujet. L’Andreïnne lui servit un verre de son champagne. Elle avait la bouteille et elle le verre. Si cela n’était pas un signe ? Qu’est-ce que c’était ?

Un sourire rassurant vint s’installer sur son visage quand le non-jugement fût prononcé. Bizarrement, intérieurement, Melione savait que ce serait le cas. Mei-Lin semblait différente des autres personnes de la cour. Elle était en tout cas à son écoute. Sa mère avait eu raison vis-à-vis des parents. L’orpheline avait beaucoup de mal à être en accord avec ce genre de philosophie. Si on faisait un enfant, cela ne devait-il pas être dans le but de l’aimer, quel que soit la situation. Pourtant, elle savait que ses parents d’origine n’avaient pas été à la hauteur. Jamais elle n’avait voulu s’attarder sur ce passé à moitié disparu dans son amnésie partielle. Melione avait la chance d’avoir une nouvelle mère qui se préoccupait vraiment d’elle.

Elle s’excusa de squatter sa planque. Elle attendit qu’elle s’arrête pour rigoler légèrement. « Tu sais, on est chez toi. Ce serait plus à moi de m’excuser. » Elle posa la bouteille par terre face à signaux de détresse qu’elle dégageait. Se retournant vers elle, elle se rapprocha pour se glisser à côté d’elle. Son bras allait se poser sur son autre épaule pour lui faire une légère étreinte. Cela est arme redoutable contre les maux de cœur et calmait l’anxiété de la personne. C’était un truc qu’elle avait lu et qu’elle avait utilisé sur elle-même avec des self-hugs quand elle se réveillait après une série de cauchemars. Sa main tapota sur son épaule.

« Laisse-moi te dire qu’en tout cas je suis contente de pas être toute seule dans mon coin pour une fois. » Essaya-t-elle de trouver les mots pour la réconforter. « Pour moi, la plus grande force n’est pas physique. Je suis admirative comment tu arrives à tenir tête à la situation. » C’était ça la vraie force pour elle. Scylla lui avait montré que le pouvoir des mots était bien plus fort qu’un coup de poing. « Pour le labyrinthe, je t’avoue que j’aime trop explorer les lieux insolites. Par contre, un lieu maudit, là, je n’irais pas mettre les pieds. » Marquant une pause pour évacuer par un frisson les images parasites. « Je n’aimerais pas me retrouver face à un fantôme ou pire un zombie. T’imagines. » Oui, la demoiselle était sincère. Ce n’était vraiment pas son truc les films d’horreur. Quand elle en regardait un pour faire plaisir à un ami, cela avait le don de la faire psychoter un bon moment.

La lâchant, elle le regarda avec curiosité. « Tu me fais visiter ? » Elle reprit la bouteille au sol. « Surtout que ça ne se boira pas tout seul. Pis, j’ai horreur du gaspillage. » Se confia-t-elle sur son côté écologique. C’était d’ailleurs un des points où elle avait le plus de peine. Ayant vécu dans la rue, la nourriture était une ressource qu’elle ne supportait pas voir gâcher.

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Mei-Lin l’observe remplir sa coupe de champagne avec soulagement, réconfortée à l’idée de pouvoir s’enivrer un peu plus pour oublier ses craintes. Loin d’être à l’aise avec les codes de la bourgeoisie, elle préfère mille fois cette escapade interdite dans les jardins de sa famille. L’impression de transgresser les codes fait tambouriner son coeur dans sa poitrine, adrénaline aussi exaltante que brûlante, et elle se surprend à désirer faire encore plus pour contrarier sa famille et leur prouver qu’elle ne sera jamais la vilaine tâche qu’iels espèrent pouvoir cacher.

Elle resserre l’emprise de ses doigts autour du verre pour le porter à ses lèvres, quelques gorgées de courage liquide ne pouvant lui faire de mal. Loin de briller par son assurance, la fée a pourtant envie de faire bonne impression auprès de l’héritière Asong, lui montrer qu’elle n’est pas que cette affreuse déception que ses parents présentent en son nom. Valeur encore à trouver, adolescente redoublant d’efforts comme ce soir où toute son apparence est travaillée pour se présenter sous son meilleur jour, même si Melione est la seule à la regarder de toute la soirée.

Tu sais, on est chez toi. Ce serait plus à moi de m’excuser. Mei-Lin laisse échapper un petit rire en réalisant l’absurdité de ses paroles, excuse balancée presque mécaniquement à force de toujours répéter les mêmes mots, pauvre enfant ayant adopté le réflexe de toujours s’excuser comme si chacune de ses actions dérangeait. Ces mots fusent toujours d’entre ses lèvres, avant même qu’elle n’ait le temps de réfléchir à leur sens. Honte inscrite dans ses veines, héritage toxique de ses parents.

Puis Melione fait un pas vers elle, réduisant soudainement la distance entre leurs deux corps. Proximité vidant tout l’éther des poumons de la blonde qui la fixe sans comprendre, pétrifiée comme une biche prise dans les phares d’une voiture. C’est un geste qu’elle ne connaît pas, son corps trop usé par le manque d’affection à force de tourner en rond dans cette maison qui ne l’aime pas. Au sein de leur famille, ce genre de comportement n’est qu’une faiblesse, perçue comme l’aveu d’un défaut ayant besoin de l’aide d’un autre pour être réconforté, une défaite de discipline de l’esprit sur le coeur. Encore un domaine où Mei-Lin s’illustre de par sa médiocrité, enfant cherchant toujours le réconfort des autres pour soulager ses propres maux et se heurtant aux multiples murailles dressées par les sien·ne·s. Famille sans amour, dont son coeur garde toutes les blessures.

Son bras passé autour de ses épaules l’enserre dans une étreinte ni trop étouffante ni trop superficielle, juste assez pour qu’elle se sente en sécurité. Pour elle qui, par son pouvoir, subit toujours les autres et leurs émotions toujours plus éprouvantes que les siennes, c’est presque redécouvrir un sentiment de calme qu’elle pensait avoir perdu. Se relaxant, elle retrouve une certaine innocence qu’elle imaginait laissée à son enfance, avant que sa magie ne vienne l’entraver, victime de ce pouvoir qu’elle est incapable de faire taire et qui d’ordinaire lui fait redouter le moindre contact.

Laisse-moi te dire qu’en tout cas je suis contente de pas être toute seule dans mon coin pour une fois. L’aveu lui arrache un petit sourire, se réjouissant de voir ses impressions partagées. Pour moi, la plus grande force n’est pas physique. Je suis admirative comment tu arrives à tenir tête à la situation. Doucement, elle laisse sa tête se poser contre le cou de Melione, sentant son souffle contre ses cheveux et l’odeur presque imperceptible de son parfum. Quelques notes fleuries avec une pointe saline, à l’image de sa famille. Doux et enivrant, de ceux dont l’on se souvient naturellement.

Pour le labyrinthe, je t’avoue que j’aime trop explorer les lieux insolites. Par contre, un lieu maudit, là, je n’irais pas mettre les pieds. Cette pensée ne la dérange pas plus que ça. Avec le temps, elle sait bien que les pires horreurs ne sont pas dans les lieux lugubres dont tout le monde a peur. La vraie monstruosité est celle qui se cache sous un visage familier et qui apparaît une fois les rideaux tirés, lorsque plus personne n’est là pour intervenir. Il n’y a rien de pire que voir les personnes censées nous protéger se transformer en nos bourreaux personnels. Sentant le frisson parcourir le corps de Melione, c’est à ce moment-là qu’elle réalise leur soudaine proximité, le carmin teintant aussitôt ses joues de rouge sans qu’elle ne puisse le contrôler. Pensée puérile qui la ferait presque paniquer si leur discussion n’était pas aussi décalée. Je n’aimerais pas me retrouver face à un fantôme ou pire un zombie. T’imagines.

Non, elle n’imagine pas. Doucement elle la sent relâcher son étreinte et se reculer, savourant les derniers instants de leur rapprochement avant de la laisser fatalement s’éloigner. Pour mettre de l’ordre dans ses pensées elle avale rapidement quelques nouvelles gorgées d’alcool, comme si celui-ci pouvait combler les blessures rouvertes par leur bref contact, sa peau se languissant déjà de retrouver la chaleur d’un autre corps pour rassurer toutes ses craintes.

Tu me fais visiter ? Ses yeux parcourent rapidement le labyrinthe silencieux tout autour d’elles, comme si celui-ci les invitait à déambuler dans ses dédales de végétation. Surtout que ça ne se boira pas tout seul. Pis, j’ai horreur du gaspillage. Hochement silencieux de tête, elle attend quelques instants que l’alcool fasse son effet et lui prodigue le courage dont elle est d’ordinaire dénuée. Entourée des arbres protecteurs, elle peut presque les entendre lui souffler de braver ses peurs ce soir et se laisser aller au gré du vent, profiter pleinement de ce moment privilégié loin des festivités qu’elle redoute tant.

Viens, je peux tout te montrer. Ces jardins sont immenses et magnifiques. C’est mon endroit préféré. Lui explique-t-elle en glissant son bras autour du sien pour l’entraîner dans le couloir végétal, sa confiance emballée par les débuts d’un état d’ébriété. Du bout de son doigt, elle désigne l’un des immenses massifs de fleurs taillés au bourgeon près, fruit d’un travail de maître et d’une patience infinie. C’est mon père qui fait tous les plans de ce jardin. Quand il n’est pas occupé à travailler ou entraîner mes frères et soeurs… Ombre passant sur son visage, amertume éphémère alors qu’elle chasse d’un secouement de tête les idées noires revenant en vagues. Ce soir, elle préfère se concentrer sur la beauté des jardins, le havre de paix qu’ils ont toujours représenté pour elle. Déjà petite elle adorait se perdre dans les allées, capable de passer des journées entières à déambuler parmi les plantes pour apprendre tous leurs noms et caractéristiques. Loin d’être récompensée, cette curiosité a toujours été dénigrée par le reste de sa lignée, jugée inutile dans un monde où seul·e les plus puissant·e·s survivent. Escapades devenant secrètes comme celle de ce soir, jardin secret lui permettant de souffler entre toutes ces mascarades où son coeur n’a plus envie de jouer le jeu.

T’en fais pas, il n’y a ni fantôme, ni zombie ici. Lui confie-t-elle en s’arrêtant subitement pour la dévisager. Prise d’une envie presque puérile de la faire sursauter, occasion trop belle pour qu’elle la laisse passer. Ses sourcils se froncent, expression soudainement inquiète assombrissant à nouveau son joli minois. À moins que… Je ne sais pas, j’ai l’impression que nous ne sommes pas seules. Tu entends ça ? Elle lui saisit la main, d’abord pour lui communiquer sa peur feinte, mais aussi égoïstement pour retrouver le contact de sa peau chaude contre la sienne. Tournant sur elle-même sans rompre leur poigne, elle fait mine de chercher autour d’elles la source de ce bruit inventé. Et puis, au terme de quelques instants insoutenables, elle hurle. BOUH ! Suivi d’un éclat de rire léger, et avec lui tous ses soucis envolés.

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Domaine Wu, avec @Mei-Lin Wu

Mei-Lin était pas du tout comme elle l’aurait imaginé. Elle voyait une telle beauté dans sa « fragilité ». Elle sentait que cela ne devait pas être évident d’être née dans cette famille. Nereus n’avait pas de chance d’avoir un père si imposant non plus. La différence était toujours une chose qu’elle avait vue positivement. Pourquoi devions-nous nous imposer ce que les autres souhaitent ? C’est bête. On ne pourra jamais changer entièrement notre personnalité. On vêtira un rôle qui nous épuisera à la fin. Ce n’est pas comme ça que Melione voyait la chose. Elle voulait croire qu’on est maître de son destin. L’orpheline savait qu’elle avait eu de la chance de tomber dans la famille Asong. Elle n’aura connu que brièvement la pauvreté. Cela lui évite de se poser des questions sur son passé. La fée essayait au mieux de la rassurer. Ce n’était pas son point fort les relations humaines. C’était ce qu’elle pensait.

Cela la soulagea de la voir rire à sa blague. Melione savait que ces paroles devaient être un mécanisme de défense. Ses parents n’étaient pas des saints. En tout cas, elle lui faisait comprendre qu’avec elle. Il n’y aura pas besoin de jouer un rôle ou de se montrer sous son meilleur jour. L’authenticité des personnes, c’était ce que Melione adorait le plus. Au diable les parents toxiques et leur héritage de merde.

Son étreinte était calculée de manière à ne pas l’oppresser. La noblesse lui avait donné un tel cliché de distancement social que l’orpheline avait du mal avec ce principe. Elle savait qu’une étreinte pouvait être étouffante. C’était un petit geste pour la rebooster, lui faire comprendre qu’elle n’était pas seule… Elle ressentait ses émotions. Ce n’était pas simple pour elle d’éprouver ce qui l’entourait. Les soirées mondaines étaient une pure euphorie avec le mélange d’alcool. C’était aussi pour cette raison qu’elle décidait de s’écarter de la foule. Si elle pouvait lui apporter du calme. Melione en serait heureuse.

Son aveu réussit à lui voler un sourire. Ce fut un triomphe. Melione fût contente quand elle sentit sa tête se poser contre son cou. La jeune femme l’appréciait énormément. C’était simple d’être avec elle. C’était comme retrouver l’autre moitié de son âme. Vous savez le genre d’ami que vous rencontrez et que vous avez l’impression d’avoir connu depuis des années entières. Mei-Lin était différente de toutes les personnes qu’elle avait rencontrées. Un frisson la parcourut à un moment. Elle put constater les joues fleuries de rouge sur son visage. La jeune femme restait ouverte et continua son récit sur les fantômes et les zombies. Elle avait réussi à la mettre à l’aise. Il ne fallait pas tout gâcher.

Ce ne fut pas facile de se détacher d’elle pour inciter une balade, cependant elle ne pouvait pas rester comme ça dans leur bulle indéfiniment. Assise contre un arbre à regarder les étoiles, là, Melione était d’accord. C’était plus confortable. Viens, je peux tout te montrer. Ces jardins sont immenses et magnifiques. C’est mon endroit préféré. Elle se laissa faire quand elle prit son bras. C’était vrai que cette partie du domaine était vraiment splendide. L’orpheline était nature de base, donc elle était captivée par ce qu’elle était en train de lui raconter. C’est mon père qui fait tous les plans de ce jardin. Quand il n’est pas occupé à travailler ou entraîner mes frères et soeurs… Humm. Peut-être l’avait-il fait pour elle ? S’il savait qu’elle aimait ce lieu ? Se questionna-t-elle en essayant de trouver une part de lumière chez ses parents. T’en fais pas, il n’y a ni fantôme, ni zombie ici. Lâchant un soupir de soulagement, elle jouait le jeu. L’alcool apparaissait légèrement. Elles étaient sauvées. Puis, sa nouvelle amie s’arrêta. L’expression de son visage se modifièrent pour devenir plus sinistre et inquiétant. À moins que… Je ne sais pas, j’ai l’impression que nous ne sommes pas seules. Tu entends ça ?
WTF. Quoi ? Une impression de déjà-vu s’installa. Elle n’était pas rassurée. Sa main tremblante n’aidait pas du tout. Sa main se resserra fortement sur la sienne. Melione n’était pas rassuré. Si une chose terrible leur arrivait… Elle commença à chercher à gauche et à droite. Pourtant, elle n’avait rien entendu. BOUH ! Ses mains se resserrent sur leur emprise : la bouteille et l’autre main.

Clignant des yeux, elle la fixait le temps de comprendre ce qui venait de se passer. Ses yeux étaient comme ceux d’un hibou avec un fin maquillage autour. La saloperie. Pensa-t-elle avant de rigoler et de lever la bouteille en sa direction. « Je vais garder ça pour moi du coup ! » Disait-elle en se prenant une gorgée pour descendre cette émotion désagréable. Elle se secoua légèrement pour chasser les derniers éclats de peur qui restait sur sa peau. « je plaisante. Par contre, pfiou. » Elle lâcha un soupir. « Tu m’as bien eu ! » Elle garda toujours sa main dans la sienne pour se rassurer avec la douceur de sa peau et la chaleur qui en dégageait.

« Je te jure que je vais me venger un jour. » Oh oui, elle comptait bien être son amie. Elle simulerait une connerie comme une crise cardiaque quand elle n’y attendra pas. Plein d’idées vinrent dans sa tête. « tu le regretteras… » Elle imita un rire diabolique avant de reprendre une gorgée. « Très bonne bouteille d’ailleurs. » rigola-t-elle légèrement sous l’influence légère de l’alcool.

« Bon par contre, qu’est-ce qu’il a planté de beau ? Plante médicinale, légèrement toxique ? Des plantes carnivores ? » La regarda-t-elle avec un sourire pour lui donner du contenu pour sa blague. La jeune femme ne savait pas encore ce qui l’intéressait le plus entre la médecine et la psychologie humaine. C’était vraiment deux points intéressants. En tout cas, ce n’était pas la question qu’elle devait se poser maintenant. Elle s’amusait enfin durant une soirée mondaine. C’était un exploit !

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Voyant sa farce marcher, le visage de Mei-Lin s’illumine de malice alors qu’elle se délecte de l’expression de surprise plaquée sur celui de Melione. Quelques brefs instants d’innocence, de cette enfance qu’elle n’a jamais pu connaître, comme des rayons de lumière réussissant à s’immiscer entre les barreaux de sa prison dorée. Son sourire est léger, naturel, insouciant - et pourtant très vite elle réalise qu’il commence à lui faire mal tant elle est si peu habituée à être aussi décontractée, quand la demeure familiale la cantonne à une tension permanente qui crispe jusqu’à son moindre muscle. La réalisation la calme aussitôt, lèvres retombant rapidement en petite moue alors que le palpitant peine à retrouver un rythme normal.

Je vais garder ça pour moi du coup ! Réplique l’Asong en saisissant la bouteille en guise d’otage, quelques gorgées pour digérer les émotions suscitées. Mei-Lin hausse nonchalamment les épaules en l’observant, loin de regretter son geste puéril. Je plaisante. Par contre, pfiou. Tu m’as bien eu ! Leurs doigts entrelacés ne semblent pas vouloir se lâcher, comme si leur contact était ce qu’il y a de plus naturel - une évidence dont elle ne saurait trouver la source et qui s’impose d’elle-même. Juste sa main dans la sienne, paume contre paume.

Je te jure que je vais me venger un jour. Ses sourcils se lèvent, curieux, et une toute petite voix s’échappe de ses lèvres pour demander ce que son coeur n’ose pas avouer. Est-ce une promesse ? Et sûrement y a-t-il un peu de désespoir dans sa voix quand l’idée même de retourner aux murs froids de sa chambre la terrifie. Elle n’a même pas peur de la menace allusive, se sentant prête à endurer tous les supplices si cela signifie repasser un moment en sa compagnie. Melione a cette aura qu’elle n’explique même pas, naturellement apaisante, qui lui donne envie de la garder tout près d’elle. Comme si elle était capable de rendre chaleureux pour la première fois son monde si froid. Si endurer sa vengeance signifie la revoir, alors elle est prête à accomplir tous les méfaits possibles. Tu le regretteras… Impossible, à ses yeux. Même la pire des vengeances lui semble mille fois plus supportable qu’une énième soirée mondaine dans le genre.

Très bonne bouteille d’ailleurs. Remarque qu’elle accompagne d’une nouvelle gorgée avant que Mei-Lin tente vainement de lui chiper la bouteille des mains, espérant profiter d’une dernière goulée alors que le niveau baisse à une vitesse bien plus rapide que l’avancée de leur soirée. Mais ses tentatives se soldent toutes en échec et elle finit par s’appuyer contre le mur végétal pour reprendre son souffle alors que son corps lui rappelle douloureusement sa condition trop fragile. Bon par contre, qu’est-ce qu’il a planté de beau ? Plante médicinale, légèrement toxique ? Des plantes carnivores ? Changement de sujet qui semble accompagner son changement de position, elle laisse ses yeux parcourir les bosquets autour d’elles pour en détailler chaque spécimen d’un regard plein d’amertume.

Je ne sais pas trop… Je pense que ça n’a pas d’importance pour lui. Il aime plus l’idée du contrôle que les plantes en elle-même. Il voit ce terrain et il se dit « je peux le modeler exactement comme je l’imagine. » De la même façon qu’il pense pouvoir modeler chacune de ses enfant·e·s selon ses principes. Au fond, elle est comme toutes ces plantes bien entretenues, parfaite en apparence, sans la moindre imperfection. Personne ne se doute de la torture que l’entretien signifie, pas de place pour les mauvaises herbes, pour les plantes qui ne poussent pas droites, pour les graines qui n’ont pas été plantées au bon endroit. On se fiche bien de leurs qualités tant qu’elles rentrent dans l’ordre et suivent le chemin qu’on a décidé pour elles. Sous cet angle-là, le jardin lui semble soudainement bien plus triste. Sa main vient chiper la bouteille des mains de Melione pour s’en emparer et boire une longue gorgée pour y noyer ces pensées.

Pourquoi ? Tu cherches déjà un poison pour te venger ? Finit-elle par lui lancer, grimaçant un maigre sourire, vaine tentative de dispersion des nuages ayant assombri ses pensées pour mieux profiter du moment. Fais gaffe, peut-être que c’est moi qui vais te pousser dans un buisson de plantes carnivores. Menace dont elle ne pense pas un mot et dont elle serait de toute manière incapable - corps tout juste capable de la porter, point assez de force pour ne serait-ce que la faire flancher. Si elle ne peut compter sur sa condition physique pour la taquiner, il lui reste sa langue aiguisée et ses belles paroles pour l’embêter. Tout est un prétexte pour oublier qu’à quelques mètres de là, dans ce manoir qui n’a jamais su l’accueillir, sa famille se réjouit sûrement de l’absence de leur fille, ou peut-être ne l’ont-iels même pas remarquée.

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Flashback (2015) - Manoir des Wu
avec @Mei-Lin Wu

Malgré ses fortes frayeurs, Mélione ne perd pas un instant à regarder son interlocutrice et à détailler son sourire. Elle la trouve si vraie dans ce monde d’hypocrite qu’était la noblesse. Cela lui plaisait beaucoup d’être avec elle dans les jardins. La chaleur de sa main était rassurante. À aucun moment, elle se ravisa pour la reprendre. Il y avait des fois des coups de foudre qui pouvaient se faire et même amicalement parlant. Les deux jeunes femmes faisaient peut-être parti de cette exception. L’Asong ne ressentait pas le besoin de s’éclipser ou de mentir. Elle lui jura qu’un jour. La Wu aura la monnaie de sa pièce d’horreur. Son air curieux la fit sourire. Elle lui demanda si c’était une promesse. La jeune femme fit un air faussement pensif pour essayer de chercher une réponse. Elle le regrettera. Disait-elle plus en imaginant l’emmener avec elle dans une attraction effrayante à Halloween. Tout semblait possible quand elle était avec elle.

Elle commenta ensuite la bouteille pour alléger la conversation. L’Asong se vengeait un peu. C’était elle qui détonnait le pouvoir de l’ivresse ! Mei-Lin essayait de lui voler celle-ci. Melione décida de jouer à ce jeu stupide. Quand elle vit que sa nouvelle amie dût reprendre son souffle, elle lui tendit de loin celle-ci illico presto. Elle n’avait pas pitié de son statut. C’était juste qu’elle avait eu une fille avec de l’asthme à l’effort. Elle avait remarqué qu’elle buvait beaucoup d’eau pour ses poumons qui lui brûlait. L’alcool n’était pas une bonne idée. C’était le meilleur remontant du monde, non ? En attendant que Mei-Lin récupère, elle lui posa la question sur les spécimens qui avait dans le jardin.

Son explication fût honnête. La description du père lui donnait un aperçu du mari de sa mère. Son instinct avait encore beaucoup du mal à l’accepter en tant que tel. Sa mère était tout pour elle. Elle n’aimait pas voir l’éducation qui était faite pour ceux qui n’étaient pas adoptés. Perdue dans ses pensées, cela la surprit qu’elle lui chipe le champagne comme ça. Mélione prit un air outré digne des tragédies grecques. Puis, elle mit sa main devant sa bouche quand elle parla de la balancer dans les plantes carnivores.

« Quoi ? Moi ? T’empoisonner ? » Déplaça-t-elle sa main sur son thorax. « Je me disais que peut-être il y aurait des champignons pour planer un peu. » Rigola-t-elle après. « Mais c’est vrai que si un jour on a un jardin : je voudrais de la menthe. C’est sauvage. Ça tient bien. En plus, on peut faire des mojitos ou du thé frais l’été. » Elle réfléchit. « Une plante carnivore sur le bord de la fenêtre pour les mouches. » La jeune femme réfléchissait toujours. « Des fraises et un framboisier, ça se marie bien avec le champagne ça. » Oui, son ventre était en train de parler. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle souhaitait s’incruster dans le manoir. Trop de monde. Elle lui donna un léger coup d’épaule. « Après dans Raiponse, on pourrait installer des lianes jusqu’à ta chambre. Je pourrais t’y délivrer. » Elle rigola en imaginant la scène.

« Tu imagines. Mei-Lin ! ohhhhh je suis là ! Ouvre-moi ta fenêtre pour faire… » Qu’est-ce qu’elle pouvait faire ? « une escapade dans… » Ses yeux levèrent au ciel pour éviter de dire le mot cuisine. « Une librairie de nuit ! » C’était un rêve inavoué de l’Asong. Elle avait envie d’explorer des lieux inédits pour se sentir vivante. « Pis, on pourrait revivre la scène de la belle et la bête. Bien habillé sans tous ces incrustes. J’avoue que j’aimerais bien avoir ça à un de mes anniversaires. Juste les personnes que j’aime. Profitez d’un cadre idyllique. » Ses yeux pétillèrent légèrement. « Ce serait quoi pour toi ? » lui demanda-t-elle.

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Quoi ? Moi ? T’empoisonner ? L’air faussement outré son visage aurait fait pâlir la plus grande des actrices. Je me disais que peut-être il y aurait des champignons pour planer un peu. Mais c’est vrai que si un jour on a un jardin : je voudrais de la menthe. C’est sauvage. Ça tient bien. En plus, on peut faire des mojitos ou du thé frais l’été. Sa capacité à se projeter dans l’avenir lui arrache un sourire. Elle aussi a ces rêves tapis au fond du coeur, cette vie idéale qu’elle s’imagine une fois le manoir familial laissé derrière elle. J’aimerais y planter des pivoines, alors. Ce sont mes fleurs préférées. Souffle-t-elle doucement en l’écoutant énumérer d’autres plantes. Une plante carnivore sur le bord de la fenêtre pour les mouches. Des fraises et un framboisier, ça se marie bien avec le champagne ça. De quoi la faire rêver, assurément. Après dans Raiponse, on pourrait installer des lianes jusqu’à ta chambre. Je pourrais t’y délivrer. Ses sourcils se froncent alors qu’elle proteste en lui assénant un coup dans l’épaule, rien d’une force bien affolante, une caresse tout au plus. Hé ! Je n’ai pas besoin de délivrance ! Mais ses paroles ne trompent personne, et si le manoir ne ressemble peut-être pas à une tour isolée, il n’en reste pas moins une prison déguisée. Tu imagines. Mei-Lin ! ohhhhh je suis là ! Ouvre-moi ta fenêtre pour faire… Ses sourcils se haussent. Une escapade dans… S’il fallait s’enfuir, que serait le premier endroit où elles se réfugieraient ? Une librairie de nuit ! Bref coup d’oeil dans l’imaginaire de l’Asong et ses rêves cachés - un lieu inédit où Mei-Lin pouvait sans mal l’imaginer errer pendant des heures. L’image lui plait bien, et même si elle n’a jamais aimé les livres, ou tout ce qui lui demande un peu trop de sérieux, elle se verrait presque la suivre dans l’exploration de cette librairie de minuit. La pensée lui vient naturellement, comme si elle connaissait Melione depuis bien plus longtemps que le début de cette soirée. Sous les rayons de la lune et les branches des bosquets, elle a presque l’impression de l’avoir toujours connu tant leur échange se fait évidence. Camouflant maladroitement un sourire rougissant, elle fait mine de s’intéresser à l’une des nombreuses plantes autour d’elle pour ne pas se laisser gagner par ses émotions, celles qui ont toujours raison d’elle.

Pis, on pourrait revivre la scène de la belle et la bête. Bien habillé sans tous ces incrustes. J’avoue que j’aimerais bien avoir ça à un de mes anniversaires. Juste les personnes que j’aime. Profitez d’un cadre idyllique. Sa confession dessine un doux sourire sur ses lèvres. Une nouvelle facette délicate qu’elle apprécie découvrir chez Melione, comme une fleur s’offrant pétale par pétale à elle, découvrant toujours plus de beauté à chaque nouveauté. Ce serait quoi pour toi ? La question la prend de court, elle qui ne s’est jamais vraiment interrogé là-dessus. Tristement, elle n’a jamais vraiment rêvé à rien, si ce n’est d’une vie hors des attentes écrasantes de ses parents. Mais oser imaginer l’instant d’après, celui où tout serait possiblement à sa portée ? Une partie d’elle ne se l’est jamais autorisé, par crainte de trop de déception en restant dans les quatre murs de cette prison. Une façon comme une autre de protéger son coeur, bien qu’au fond elle sache que cela ne fait que la laisser encore plus désireuse de plus.

Jouant avec l’une de ses mèches blondes, elle réalise que Melione est peut-être celle qui incarne cette escapade, celle qui peut lui ouvrir la porte qu’elle redoute tant d’ouvrir elle-même. Je crois que moi, j’aimerais assister à un immense concert. Murmure-t-elle doucement après avoir pris un long moment pour réfléchir à la question, comme si sa réponse pouvait tout changer. C’est presque un aveu, une vie passée à côté de celle des autres, à ne connaître aucune des joies des jeunes de son âge. Attachée à des entraînements et des exercices militaires sans sens quand son coeur n’a jamais désiré qu’une seule chose, battre au rythme de sa plus grande passion. Quand ces mots franchissent le pas de ses lèvres, elle réalise qu’elle n’a jamais parlé de son amour de la musique avec qui que ce soit, gardant cette sensibilité cachée comme un secret honteux. Je m’imagine au coeur de la foule en délire, avec toute leur énergie autour de moi, complètement transportée sur le moment. Des fois, elle se dit presque que son pouvoir est fait pour ça. Lui qui est si lourd à porter au quotidien, à subir les émois et les colères des autres, à ne jamais parvenir à poser les limites de son propre palpitant. Mais lors d’évènements pareils, où tous les coeurs battent au même rythme, elle ne peut pas imaginer autre chose qu’une immense euphorie et - peut-être, pour la première fois - un sens à ce don. Ensuite, on me ferait monter sur scène, on me filerait une guitare et un micro, et je crois que je décèderai de bonheur. Elle sent comme un poids disparaître de sa poitrine, comme si ce secret n’attendait que de sortir. Son sourire rêveur s’agrandit alors qu’elle presse la main de Melione dans la sienne, pour lui transmettre tout ce qu’elle ne parvient pas à exprimer. Tu sais, je crois que c’est la première fois que je parle de ça à quelqu’un… C’est la première fois que j’en parle ne serait-ce qu’à voix haute. C’est grâce à toi, alors merci.

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avec @Mei-Lin Wu

Qui aurait dit en cette instant que 8 ans plus tard, elle serait toujours amie et vivrait dans le même appartement. Le destin avait bien fait de les réunir. Mei-Lin était de l’air frais dans ce monde de fausseté. Ca lui plaisait d’être avec une personne si sophistiqué dans le bon sens. Quand elle la voyait, elle était resplendissante. Melione n’arrivait pas à la cheville se sentant encore par moment comme +1 ramené dans la famille. Cela avait mis du temps à ce qu’elle se sente bien dans sa famille. Cette sensation d’avoir un trou dans ses souvenirs, c’était pesant. Là, cela n’avait plus aucune incidence. L’adolescente était dans le moment présent et le vivait pleinement sans se cacher.

Sa projection de l’avenir était une manière de se dire qu’elle serait toujours là à ces côtés. L’idée des pivoines, elle adorait. C’était ses fleurs préférées. La jeune femme se promit de lui en offrir à chacun de ses anniversaires un bouquet de cette fleur. C’était une mission qu’elle réussit à tenir grâce aux Madrigal. Ce n’était pas la saison pour ces fleurs. Même si c’était la saint-valentin, elle pouvait même le dire que c’était pour ça. Melione voulait juste la voir sourire.

La jeune femme s’emporta dans son rêve. C’était son pays imaginaire où aucune de ses angoisses et son anxiété ne la capturait. Elle pouvait sortir d’une situation en remaniant l’image à son avantage et sans perdre le côté véridique. Cela lui permettait de se protéger. Elle restait très concrète et simplette pour certaines choses surtout quand ça touchait le sentimental. L’asong devait aveugle d’une attention plus poussée ou encore si on lui faisait du charme. Elle se demandait juste ce que la personne voulait en fin de compte. Quand ça la concernait, son système de navigation devenait obsolète.

La voyant jouer avec une de ses mèches blondes, elle avait dû la perdre avec cette question. Ce n’était pas évident d’imaginer son anniversaire préféré. Elle l’entendit murmurer pour assister à un assister à un énorme concert. Elle en parlerait avec sa mère. Ça se ferait. Elle lui décrit cet univers. Un sourire s’installa sur son visage. Melione pouvait l’imaginer à 200%. Peut-être pouvait-elle organiser un karaoké pour son anniversaire, elle pourrait la mettre devant une scène et un micro. C’était une bonne idée. Melione avait envie de voir plus loin. S’emballant pour un rien, peut-être ? Au fond d’elle, elle savait qu’elles iraient loin. Son aveu final la fit rougir.

Mettant sa main sur la sienne, la brune était vraiment heureuse. Ça se voyait sur le moindre trait de son visage. « Oh, tu es adorable. Ton rêve est merveilleux. La musique, ça permet de s’échapper dans un autre monde. » Elle continua à parler vite pris par une joie contagieuse. « Pour le concert, je pourrais demander à ma maman comme ça on pourra aller… » Elle pensa à une arena, plein de gens… Le contact avec beaucoup d’humain n’était pas facile avec son pouvoir. Elle avait des cours particuliers. Ce n’était peut-être pas une bonne idée d'aller avec une foule si importante. Elle arrivait à le gérer un peu, mais ce serait peut-être une mauvaise idée. « Pour moi, ça va être une première en dehors de ma famille, pas beaucoup de personne sont en courant. J’ai un don avec l’empathie des gens. C’est compliqué quand je me retrouve dans des foules. Mais je te promets de faire un concert un jour avec toi. J’ai trop envie d’avoir cette expérience. » Elle avait envie de vivre cet enchantement. « C’est décidé. T’es adopté par ma personne. » rigola-t-elle sur le sujet ce qu’elle ne faisait avec personne. Ce n’était pas un jeu ou une phrase qu’elle utilisait à la légère. Scylla l’avait sorti de la rue et lui avait offert une vie. Il était tant qu’elle se considère plus comme une Asong. Elle en prenait conscience gentiment.

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Ses pensées ont toujours été confuses, éparpillées, insaisissables. Le monde l’a toujours abîmée à la moindre étreinte, cruel étranger incapable de s’adapter à sa trop grande sensibilité. Mais ce soir Mei-Lin se sent bien. Le poids sur ses épaules ne la presse pas, tout comme l’étau qui d’ordinaire comprime son coeur. Elle peut sentir l’air emplir ses poumons sans la moindre douleur en même temps que les derniers rayons du jour réchauffent sa peau. À cet instant, la main de Melione sur la sienne lui semble encore plus chaleureuse que le soleil. Oh, tu es adorable. Ton rêve est merveilleux. La musique, ça permet de s’échapper dans un autre monde. Pour le concert, je pourrais demander à ma maman comme ça on pourra aller… Elle aussi aurait aimé avoir une figure sur laquelle s’appuyer, une aide maternelle sur laquelle compter. Mais les portes menant aux attentions de sa mère lui ont été fermées depuis trop longtemps, si bien qu’elle ne saurait même pas dire si elles lui ont été ouvertes un jour. Les paroles de Melione lui donnent l’impression d’un entrebâillement vers une autre pièce, là où ses rêves n’ont pas encore été écrasés.

Pour moi, ça va être une première en dehors de ma famille, pas beaucoup de personne sont en courant. J’ai un don avec l’empathie des gens. C’est compliqué quand je me retrouve dans des foules. Mais je te promets de faire un concert un jour avec toi. J’ai trop envie d’avoir cette expérience. Mei-Lin ne peut que trop bien comprendre. La présence des autres l’érafle, l’éreinte, l’écrase. Les foules, comme la réception de ce soir, puisent dans ses dernières réserves d’énergie jusqu’à la laisser complètement drainée par autant d’émotions. S’il y a des moments où elle peut apercevoir la beauté dans ce pouvoir qui la relie sensiblement aux autres, la plupart de temps, elle maudit ce don qui l’entrave plus qu’autre chose. La musique est l’unique exception à la règle, la libérant de ce fardeau pendant quelques heures éphémères au goût d’éternité. C’est cette beauté-là qu’elle voudrait partager à Melione, pour qu’elle aussi comprenne.

C’est décidé. T’es adopté par ma personne. Lui annonce l’Asong en riant, bien que rien dans ses paroles ne sonne réellement comme une blague.

Vraiment ? L’interrogation lui échappe encore des lèvres, à toujours douter de ce qui pourrait ressembler à de l’affection faute de savoir la reconnaître. C’est presque trop beau pour être vrai. Elle ne connaît que les silences chargés d’indifférence et les regards lourds de reproches. Ce n’est jamais elle qu’on remarque, qu’on reconnaît, qu’on choisit. À cet instant précis elle pourrait pleurer, ou hurler, ou casser quelque chose, peut-être même l’embrasser. Mais elle ne fait rien, serrant juste un peu plus ses poings pour s’assurer qu’elle n’est pas en train de rêver, seule perdue dans le labyrinthe et ses pensées. Moi aussi, je t’adopte. Répond-elle avec son plus grand sérieux, consciente que ces mots ne sont pas sans valeur, ni pour elle ni pour Melione, malgré leurs situations familiales aux antipodes l’une de l’autre.

Je peux comprendre pour les foules. Pour moi aussi, c’est drainant. Mais la musique… C’est comme si l’on prenait toutes ces émotions, toute cette énergie, et qu’on la faisait fleurir dans mon coeur. Tente-t-elle d’expliquer quand bien même les mots ne sont jamais suffisants pour décrire ce genre de sentiments, trop creux pour contenir toutes les merveilles que lui procurent la musique. C’est une promesse, dans ce cas. Il faut que l’on se fasse cette escapade nocturne un jour, tu peux compter sur moi pour ne pas oublier. Peut-être est-ce plus facile pour elle d’avoir un serment auquel se rattacher pour mieux supporter les peines de son quotidien. Je veux vivre ça avec toi. L’avenir, lui qui d’ordinaire lui paraît sombre et immuable, semble s’adoucir un petit peu alors qu’elle formule ce souhait naïf. La perspective de pouvoir échapper à l’entrave de sa lignée lui donne pour la première fois un semblant d’espoir à l’horizon.

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avec @Mei-Lin Wu

Mélione n’était pas comme toutes ces nobles. Elle avait été sortie de la rue et adopté. La future fée ne possédait plus aucun souvenir de son enfance. Cela n’était pas grave. Apprenant à se reconstruire face à l’adversité de la vie, ce soir était synonyme à une rencontre inoubliable. C’était comme si elle venait de signer dans un livre enchanté une amitié qui allait durer pendant des années, loin à l’idée qu’elle puisse même avoir une date de péremption. Dans ces jardins, elle pouvait se libérer de la pression sociale qu’on leur demandait. Ce n’était pas pour elle. L’Asong était devenue maître du camouflage de disparaître durant la soirée pour se trouver la meilleure cachette pour fuir cette foule, ces émotions trop controversées et l’hypocrisie de la noblesse. Ce dernier point la rendait malade. Pourquoi faisait-il semblant d’aimer une personne qu’il haïssait ? Cela dépassait l’orpheline qui était bien trop authentique pour le faire.

À travers cette nouvelle amitié, la fugitive savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Mei-Lin serait sa parfaite partner in crime. Ses futures soirées allaient s’adoucir à sa présence. Mélione venait de trouver une nouvelle source d’inspiration pour sortir avec sa famille. Cela sonnerait moins comme une corvée si elle pouvait la revoir. Quand elle entendit, le « Vraiment ? », la fée hocha de la tête. Un sourire chaleureux s’afficha sur son visage quand elle l’adoptait à son tour. Sa main se resserra autour de la sienne, contente du dénouement de sa soirée. Qui l’aurait cru ?

Mei-Lin comprenait pour la foule. Mélione se rappela que sa mère lui avait glissé qu’elle n’était pas la seule de son âge avec ce pouvoir. Le calcul se fit rapidement dans sa tête pour comprendre que c’était le cas de sa nouvelle amie. Quand elle lui parla de musique, son cœur en frémissait. Elle voulait ressentir ça aussi.

« Évidemment, je suis l’enfant terrible de la famille. » Plaisanta-t-elle. En réalité, c’était la plus diplomate et la plus discrète n’ayant pas avoir l’attention sur elle. Faire une escapade nocturne, cela l’enchantait plus que tout. S’imaginant déjà faire le mur et devenir aussi rebelle que… On s’en fout. Il était tant qu’elle fasse des aventures et qu’elle découvre le monde. Ce n’était plus une orpheline. Elle avait une famille et une meilleure condition de vie. Scylla n’allait pas l’abandonner. « Moi aussi je veux vivre ça avec toi. » Sourit-elle en étant dans cet environnement si enchanteur.

« Cette rencontre me réjouit sur une chose. Je ne serais plus jamais seule durant les soirées. » Se confia-t-elle sur le sujet. « J’avais tellement l’habitude de me trouver une planque. Tu ne t’imagines même pas ce qu’il y a comme bibliothèque ou comme jardin chez les autres nobles. J’ai même une fois trouvé un passage secret. » Bon ça, elle n’avait pas fait exprès. Mélione était arrivée dans un bureau quand le propriétaire était arrivé. L’adolescente s’était cachée derrière un rideau. Elle avait pu observer un couloir qui donner des points d’espionnage dans le lieu de vie. C’était hallucinant. Son cœur avait battu la chamade. « Tu ne t’imagines pas ce que les gens cachent des fois. » fit-elle un oui de la tête en se disant qu’elle lui fera voir. Ce n’était pas la mort de s’aventurer hors de la salle des convives.

« Si je comprends bien, tu as aussi ce don empathique ? » Lui demanda-t-elle pour être sûre qu’elle ne s’était pas trompée dans sa déduction. Après tout, cela pouvait être autre chose. Elle plaignait les télépathes. Cela devait être horrible de se faire envahir par la pensée des gens. Quelle horreur. « Tu le vis comment ? » demanda-t-elle en cherchant son regard. Ce n’était pas tous les jours faciles pour elle. Cela lui faisait du bien d’ouvrir cette discussion avec une personne qui la comprendrait.

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see i'm gonna draw my lipstick
wider than my mouth
and if the lights are low
they'll never see me frown

◊ ◊ ◊

A cet instant précis, Mei-Lin se dit que Melione est certainement la plus belle fleur de ces jardins, bien plus douce et délicate que toutes ces épineuses que le paternel s’entête à faire pousser. Au lieu de remparts infranchissables et glacés, elle a presque l’impression d’entrevoir des rayons de soleil à chaque sourire de la belle, laissant petit à petit aller ses craintes pour s’ouvrir pétale par pétale. Elle ne sait pas si c’est la magie du labyrinthe, l’intimité de leur escapade, ou juste une solitude trop lourde à endurer pour chacune qui les a menées à ce moment. Mais tout ce qui compte à présent est de garder sa main dans la sienne, sa lumière au plus près d’elle.

Évidemment, je suis l’enfant terrible de la famille. Sans le contexte, sûrement a-t-elle un peu plus de mal à saisir la subtilité du propos. Tout ce qu’elle voit, c’est une jeune fille forte et libérée. Tout ce qu’elle aimerait être, loin de ce manoir où l’ombre de ses parents semble vouloir l’écraser. Moi aussi je veux vivre ça avec toi.

Cette rencontre me réjouit sur une chose. Je ne serais plus jamais seule durant les soirées. J’avais tellement l’habitude de me trouver une planque. Tu ne t’imagines même pas ce qu’il y a comme bibliothèque ou comme jardin chez les autres nobles. J’ai même une fois trouvé un passage secret. Tu ne t’imagines pas ce que les gens cachent des fois. La perspective d’imaginer Melione seule dans tous ces manoirs, ces villas, ces réceptions lui faut aussi chaud que mal au coeur. Elle peut la voir sans problème arpenter couloirs sombres, bibliothèques cachées et chemins de traverse, et pourtant quelque chose dans la solitude inhérente de ses escapades lui rappelle qu’elle fait tout cela avant tout pour fuir ce monde d’artifices et de simagrées dans lequel elle est forcée d’évoluer, sans réussir à s’y conformer. Une partie d’elle aimerait lui dire qu’elle aurait aimé être là, pour toutes ces fois où l’une comme l’autre a souhaité trouver du soutien dans cet océan hypocrite. Ce que ces gens cachent le plus, ce ne sont pas des trésors secrets ou des repères enchantés. Juste la vacuité de leurs existences et la violence qu’iels imposent pour maintenir cet ordre qui prospère sans amour.

Si je comprends bien, tu as aussi ce don empathique ? Elle peut sentir le regard de Melione sur sa peau, quand elle cherche à le fuir désespérément. C’est ce qu’elle a appris, après tout. À taire ses faiblesses et défauts, à ne laisser paraître uniquement ce qui rentre dans le cadre. Tu le vis comment ? Qu’importe qu’elle souffre de sa condition, qu’importe qu’elle ait d’autres ambitions. La façade dure peut-être quelques instants, la respiration suspendue comme pour rendre l’illusion de contrôle plus crédible. Puis tout craque comme l’eau déferlant d’un vase soudainement ébréché, cédant après avoir tout retenu trop longtemps. C’est horrible. C’est comme vivre avec le poids de mille vies en permanence. Avoue-t-elle en secouant la tête, le simple fait d’en parler lui suffisant pour se rappeler toutes ces fois à s’écrouler sous la violence de ces émotions, siennes comme étrangères, à ne savoir que faire de tout cela pour son coeur si petit en comparaison. Ce pouvoir la domine bien plus qu’il ne lui sert, comme un poids rendant chaque interaction douloureuse. Melione faisant exception, quand tous les autres l’écorchent de leurs passions. Des fois, elle se voudrait amorphe ou insensible, si cela pouvait lui apporter un semblant de paix d’esprit.

Je suis constamment épuisée par toutes ces émotions parasites. Des fois, je ne sais même plus ce qui est réellement à moi. Je crois aimer quelqu’un, mais c’est juste les vestiges du coeur d’un autre. Et quand c’est moi qui recherche de l’affection… Je réalise encore plus son absence. Affreuse réalisation, à capter les émotions - ou plutôt leurs inexistences - des personnes censées l’aimer et la protéger, pour ne réaliser que leur indifférence. Elle a fait de nombreuses fois le voeu de voir ce pouvoir disparaître, en s’imaginant que sans lui, sa vie serait plus facile. Peut-être que sans lui, elle correspondrait un peu plus aux espoirs de sa famille. Peut-être que sans lui, elle ne découvrirait pas le manque d’amour dans les coeurs censés être siens. C’est plus facile de blâmer ce don que l’apprivoiser - on lui a jamais appris autre chose, jusqu’à maintenant.

Comment tu fais, toi ? Pour savoir ce qui est vrai dans ce que tu ressens et pas juste des sentiments envahissants ? Demande-t-elle, tout de même curieuse à l’idée d’une possibilité de vivre avec cette empathie presque accablante. Melione ne semble pas en souffrir autant qu’elle, même lorsqu’elle évoque la difficulté des foules et des rassemblements. Je suis sûre que c’est possible d’arriver à contrôler ce pouvoir et faire quelque chose de beau avec. Seulement… ici, on se focalise tellement plus sur l’entraînement physique que la maîtrise des pouvoirs se retrouve délaissée. Et la simple perspective de faire autre chose qu’un cursus militaire me vaudrait le déshéritage de ma famille. Mots qu’elle prononce d’une apathie glaçante, comme si déjà résignée. Elle a toujours nourri l’espoir de réussir à s’immiscer hors du moule strict imposé par ses parents, mais plus la fin du lycée approche et plus elle réalise qu’il n’y a qu’une seule issue possible : celle déjà toute tracée. Elle peut continuer de rêver, en secret, s’offrir quelques moments d’escapade comme celles-ci, mais ce soir particulièrement lui rappellent les barreaux de sa prison dorée. Tu penses que… Tu penses que tu pourrais m’aider ? Demande qui s’échappe pourtant furtivement de ses lèvres, s’immisçant hors de la cage de ses pensées pour mieux lui offrir la possibilité d’imaginer une autre vie : une vie pleinement vécue et appréciée, pas reléguée aux ombres et à la honte de ne pas être assez.

(c) oxymort + (icon) childish & iconstwt

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i guess you could say that my life's a mess
but i'm still looking pretty in this dress ☽☽

Sujet: Re: meet me at our spot * 2015 (melione)

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